Posté le 14.10.2024
A l’occasion de l’avant-première de son nouveau film, Spectateurs !, Arnaud Desplechin revient sur sa collaboration avec Benicio Del Toro dans Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des Plaines). L’acteur américain y incarne un Amérindien victime de troubles psychiques.
« Je n’écris pas mes scénarios en pensant spécifiquement à un acteur, mais la performance de Benicio Del Toro dans The Pledge de Sean Penn (2001) m’a tellement dévasté que j’ai voulu le rencontrer. J’étais hanté par ce film dans lequel il interprétait déjà un Amérindien. Je ne voulais pas un acteur caucasien pour le rôle de Jimmy Picard. On s’est rencontrés autour de The Exiles de Kent MacKenzie (1961), autre film qui compte beaucoup pour moi, car il parle de la difficulté d’intégration des Amérindiens.
Pour Jimmy P, il y a eu deux étapes de travail très fortes, dont je me souviens avec émotion. Tout d’abord, la lecture du scénario, durant laquelle j’ai tout de suite vu l’intelligence de Benicio. Il examinait chaque réplique et proposait un travail très « américain » d’exploration et de partage du texte. Ensuite, à la demande de Benicio, nous lui avons trouvé un coach amérindien à Browning, la réserve Blackfeet d’où était originaire le vrai Jimmy.
Pendant le tournage, je n’ai jamais vu une telle concentration. Ce qui est sidérant chez cet acteur : sa puissance d’incarnation. J’étais assez ébloui par cette performance. Benicio savait que le rôle de Jimmy portait sur la solitude. C’était vraiment l’Actors Studio : il rentrait dans son personnage de manière insensée. Benicio ne parlait qu’avec son coach et à personne d’autre, ce qui était parfois difficile pour moi. Mais lui seul pouvait savoir ce que Jimmy éprouvait. Quand on a montré le film au Festival de New York, quelqu’un a demandé à Benicio pourquoi il jouait un Amérindien alors qu’il était d’origine portoricaine. Il avait répondu : « Je sais ce que c’est que d’être considéré comme un chien en Amérique ». Cette phrase m’avait bouleversé. »
Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des Plaines) d'Arnaud Desplechin (2013) © DR
Monica Bellucci est de retour à Lyon où elle a présenté son dernier film Maria Callas, lettres et mémoires, un documentaire de Yannis Dimolitsas et Tom Wolf (1h12, 2024), l’occasion pour la comédienne italienne de pleinement revenir sur ce qui la lie avec la cantatrice la plus émouvante et légendaire, qui reste à ce jour inégalée.
« Je suis très émue d’être dans ce festival qui compte énormément pour moi. Merci de votre présence.
J’ai profondément aimé cette aventure. Maria Callas n’était pas seulement une des plus grandes sopranos de tous les temps, mais elle était aussi une femme avec un cœur simple. C’est pour ça qu’elle est morte de tristesse. Il n’y a rien de plus humain que ça. Comme beaucoup de femmes, je sais ce qu’est l’amour. Subir les émotions, c’est quelque chose que je ressens aussi beaucoup. Parfois les femmes se regardent dans les yeux et se comprennent sans avoir à se parler, car il y a une sorte de discours commun qui existe depuis des millénaires. Je pense que Maria Callas a cela aussi. Elle était cette femme glamour, élégante, mais derrière cela, il y avait une vraie comédienne et chanteuse. Il y avait un travail énorme derrière tout ça.
J’étais tellement imprégnée de ce rôle de Maria Callas qu’il me faudra du temps avant de pouvoir doucement dire au revoir à ce personnage. Le jeu d’un acteur, ce n’est pas la réalité, mais la représentation de la réalité. Il ne faut pas confondre les deux, sinon c’est dangereux. Mais il y a quelque chose dans ce personnage qui fait encore partie de moi.
Les films sont une petite partie de nous, ils font partie d’un parcours. Mais nous, les acteurs, devons toujours regarder devant nous. Car c’est une recherche perpétuelle, qui permet de grandir. C’est pour cela qu’on ne finit jamais d’apprendre : on découvre toujours une partie de soi. C’est aussi une expérience humaine. »
© Rojo Romeo