Coup de projecteur

 Et vint le temps de la vengeance
 


Posté le 16.10.2024


 

« Pour moi, disait Fred Zinnemann, le personnage de Manuel est un Don Quichotte moderne. C’est quelqu’un de très mystique, typiquement espagnol : pour lui, beaucoup de choses dans ce monde sont plus importantes que des vies humaines, y compris la sienne. Dans sa relation avec le chef de la Guardia Civil qui le poursuit, il y a beaucoup de tension, c’est un peu Achab et la baleine ! »

 

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© DR

 

Bien sûr, à voir aujourd’hui Et vint le jour de la vengeance, il faut passer outre le méli-mélo linguistique de cette production française, tournée entre les studios de Saint-Maurice et le sud-ouest (le quartier espagnol de Pau réinventé par Alexandre Trauner), censée se dérouler vingt ans après la guerre civile espagnole.

Gregory Peck joue un anarchiste espagnol réfugié en France, devenu une sorte de Robin des bois local, Anthony Quinn l’officier qui le traque inlassablement à chaque fois qu’il franchit la frontière, Omar Sharif un prêtre espagnol en pèlerinage à Lourdes : tous les Espagnols parlent anglais, les Français le français, sauf quand ils jouent des Espagnols (comme Raymond Pellegrin sur qui Zinnemann ne tarissait pas d’éloges). Vous suivez ?

Comme toujours, et ici un peu paradoxalement, le réalisme est ce qui conduit Zinnemann : pour cette histoire partiellement inspirée de la mort d’un vieux républicain pris au piège par la Guardia Civil, Quico Sabaté, le cinéaste demande à Peck de passer du temps avec des réfugiés de la guerre d’Espagne ; il choisit comme chef opérateur Jean (Janos) Badal, hongrois exilé en France, intéressant à ses yeux parce qu’il a filmé l’entrée des chars soviétiques dans Budapest.

Ce qui frappe, c’est pourtant une fois de plus la puissance des conflits intérieurs, notamment après la rencontre entre le hors-la-loi farouchement anticlérical et le prêtre aux nombreuses contradictions (Omar Sharif, expressément recommandé à Zinnemann par David Lean, est remarquable), qui donne au dénouement un caractère tragique. Le film fut un échec, son sujet jugé trop lointain pour le public de 1964. Il coûta cher à la Columbia, puisque le pouvoir franquiste décida pendant plusieurs années de boycotter les films du studio, vexé par l’évocation, effectivement défavorable, de la dictature.

 

Aurélien Ferenczi



Séances :

Et vint le jour de la vengeance
de Fred Zinnemann
(Behold a Pale Horse, 1964, 1h58)

UGC Astoria
lu 14 17h30
| Institut Lumière (Villa) me 16 21h30 |
Pathé Bellecour je 17 10h45 | UGC Confluence sa 19 10h45

 

 

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