Posté le 15.10.2024
Hommage à une pionnière du cinéma mexicain dans le cadre du cycle Histoire permanente des femmes cinéastes. Portrait d’une battante.
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Le cinéma fut sa vie. Et sa vie fut du cinéma. Une sorte de bon gros drame social situé dans les années 40-50 au Mexique, où Matilde Landeta (1910-1999), d’extraction bourgeoise, parvint, en héroïne de guérilla, à mettre en scène quatre films contre l’avis et la volonté des hommes qui verrouillaient l’industrie.
La Negra Angustias (1950) © DR
Ses trois premiers, présentés à Lyon, illustrent son engagement. Indirectement, elle y parlait d’elle, de son combat quotidien. Lola Casanova (1949), raconte, en mode western, l’histoire d’une fille de notable qui adhère à la cause des Indiens qui l’ont enlevée. Dans La Negra Angustias, elle donne le beau rôle à une mulâtre qui, après avoir tué l’homme qui voulait la violer, devient une figure de la révolution zapatiste. Un étonnant portrait de femme libre. Dans Trotacalles enfin (Rue des femmes perdues), elle met en scène deux sœurs qui rêvent d’une autre condition, mais se laissent manipuler par le même homme. « À travers le cinéma, je n’ai eu de cesse que de montrer les femmes comme autre chose que des mères sacrificielles et des épouses résignées », disait-elle.
Lola Casanova (1949) © DR
Matilde Landeta situe dans son enfance le moment où elle a voulu diriger : « Dans la cour de l’immeuble où nous vivions, on jouait au théâtre avec mon frère et d’autres enfants. Je me souviens de leur avoir fait vivre l’enfer jusqu’à ce qu’ils sachent leur texte ». Son frère, Eduardo, devenu acteur, en 1931 — elle a 21 ans — lui ouvre les portes du monde du cinéma. Elle devient maquilleuse, puis scripte avec l’aide du réalisateur Miguel Zacarias. Elle participe à 60 films, dont Maria Candelaria sélectionné pour la première édition du Festival de Cannes. Cependant, étant la première femme à manifester cette ambition, elle a dû au préalable passer sous les fourches caudines du tout puissant Syndicat. « Nous ne pouvions être qu’actrices, des vecteurs de séduction, racontait-elle. Mais Maria Felix et Dolores del Rio faisaient déjà ça très bien ».
Trotacalles (1951) © DR
Scripte c’est un cap. Mais Matilde veut mettre en scène. Être la patronne. « J'en avais tellement marre de me sentir reléguée en tant que femme ». Un matin, elle arrive coiffée d’un chapeau, dans un pantalon que lui avait confectionné sa tante, puis demande à une copine maquilleuse de lui coller une moustache. « Et je suis entrée dans le studio en criant de la voix la plus virile possible : “Caméra ! Silence !” » Tout le monde a ri ! Mais moi j’étais très sérieuse. » Le même syndicat monte une A.G. et avec les voix d’une « poignée de Don Quichotte » acquis à sa cause, dit-elle, Matilde gagne ce jour-là ses galons d’assistante réalisatrice. Elle tourne 14 films en 12 ans. « J’ai tout appris sur la technique aux côtés de nos meilleurs cinéastes, mais aussi des pires… » La dernière étape sera la plus douloureuse. Elle sait que personne ne lui fera de cadeau et crée une société de production avec son frère. Elle hypothèque sa maison et vend sa voiture pour s’atteler à Lola Casanova, produit pour 16 000 pesos. Les machos de l’industrie vont lui faire payer cash sa témérité. Le distributeur « perd » une bobine, puis repousse la sortie d’un an, jusqu’à ne le programmer que dans une salle qui ne joue que des séries B. Son deuxième connaîtra un destin semblable. Dans les années 80, une nouvelle génération de critiques écrira combien « son talent avait été gâché par une société archaïque ». Matilde n’en nourrissait pas d’amertume. Elle n’était pas peu fière des 110 scénarios qu’elle disait avoir écrits et conservait dans un tiroir à dossiers suspendus. Les rares jours où elle avait le blues, elle se plantait devant le mur où elle avait encadré nombre de distinctions reçues surtout à l’étranger. « J’ai fait ce que je voulais faire ».
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Carlos Gomez
Lola Casanova de Matilde Landeta (1949, 1h30)
Pathé Bellecour ma 15 21h15 | Institut Lumière (Villa) je 17 16h15 |
Institut Lumière (Villa) je 17 16h30
La negra Angustias de Matilde Landeta (1950, 1h26)
Pathé Bellecour je 17 19h15 | Institut Lumière (Villa) ve 18 21h30 |
Institut Lumière (Villa) ve 18 21h45
Trotacalles de Matilde Landeta (1951, 1h41)
Institut Lumière (Hangar) di 13 9h15 | Lumière Terreaux ma 15 11h |
Pathé Bellecour me 16 21h30