Plein Soleil :

l’avènement Delon
 


Posté le 20.10.2024


 

Il savait mieux que personne ce qu’il devait à ce grand film. Et à son metteur en scène : « le film qui a fait le tour du monde, a été la base de ma carrière ».

 

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© DR

 

En 2013 à Cannes, Delon avait répondu à l’invitation de Thierry Frémaux pour découvrir la copie restaurée du chef-d'œuvre de son mentor, René Clément. « Avant Plein Soleil, personne ne savait qui j’étais. Je ne sais pas où je serais, si je n’avais pas eu la chance de le faire ». Lorsque le réalisateur entreprend d’adapter Monsieur Ripley, roman aussi noir qu’ambigu de Patricia Highsmith, il a 45 ans passés. Une étiquette de « vieux » lui colle au front. Mais l’animal est à sang froid. « Il ne faut pas se prendre au sérieux, il faut prendre son travail au sérieux ». Et pour cela, Clément sollicite le génial et incontrôlable Paul Gégauff, un être haut en couleur qui fascine Godard (on dit même qu’il servit de modèle au personnage incarné par Jean-Paul Belmondo dans A bout de souffle (1960)…), Rohmer ou Chabrol pour lesquels il a écrit. À la photographie, il recrute Henri Decae, qui a si bien opéré dans Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle (1958) et sur Les 400 coups de Truffaut (1959). Son travail sur la lumière doit beaucoup à la photogénie hypnotique du film et à celle de Delon, qu’il finira de graver dans notre inconscient, plus tard, dans Le Samouraï (Jean-Pierre Melville, 1967).

 

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© Paris Film - Paritalia - Titanus / DR

 

Clément a déjà tout son film en tête. Les frères Hakim produisent. Depuis Pépé Le Moko (Julien Duvivier, 1937) ou Casque d’or (Jacques Becker, 1957), ces deux-là s’y connaissent. Ils sont roués, ils ont du flair. Mais la distribution des rôles est un casse-tête. Jacques Charrier vient de séduire dans Les Tricheurs (Marcel Carné, 1958). Il est jeune, beau et vit avec Bardot. Promo assurée. Il sera parfait en Greenleaf, le fils à papa tête à claques. Maurice Ronet est à cet instant engagé pour jouer le vénéneux Monsieur Ripley, missionné pour ramener Greenleaf à son père. Et puis le mari de B.B. plante l’équipe déjà installée sur l’île d'Ischia. Clément parie sur Alain Delon, 24 ans, pour faire de lui le « méchant ». Il a la beauté du diable. Mais en a-t-il le talent ? Pas sûr. Il n’avait incarné que des personnages gentiment formatés jusqu’alors dans les cinq longs métrages qu’il a déjà tournés. Avec Clément, changement de disque. L’acteur, complexé de n’être pas passé par le conservatoire, comprend viscéralement qu’à l’école Clément, il court vers la mention. « Alain est devenu de plus en plus le personnage, suivant au doigt et à l’œil tout ce qui lui est dit. Il avait une capacité de concentration exceptionnelle. Un réceptacle de cette qualité est rare ; et c'est bien agréable pour un metteur en scène. Combien d'acteurs ne saisissent pas ce qui va dans leur sens ? » Face à la vérité qu’il cherchait, « j'avais toujours un Delon prêt à assumer », dit Clément. 2,4 millions d’entrées valident l’expérience et dessinent déjà l’une des personnalités de cinéma de l’acteur, celle de l’homme sombre, à la beauté mutique, capable de tuer. Luchino Visconti adore Plein Soleil. Delon aura bientôt les traits de Rocco…



 

Carlos Gomez

SÉANCE DE CLÔTURE DE LUMIÈRE 2024

HOMMAGE À ALAIN DELON
Plein Soleil de René Clément (1960, 1h56)
Restauration 4K Studiocanal avec le concours de La Cinémathèque française et le soutien du fonds franco américain DGA MPAA SACEM WGAW.
Remerciements à Studiocanal et à Carlotta Films

HALLE TONY GARNIER Dimanche 20 octobre, 15h
En présence d'Anthony Delon

Catégories : Lecture zen