Posté le 12.10.2024
Yasuzo Masumara est le cinéaste des grands bouleversements. Pas étonnant qu’il soit crédité dans toutes ses bios de « précurseur de la Nouvelle Vague japonaise » qui se déroule entre 1950 et 1960, avec des réalisateurs comme Nagisa Oshima et Shohei Imamura, eux aussi très fantastiques-énervés. Né en 1924, Masumara explore ce qu’il y a de délirant, de profondément lyrique, et jusqu’au-boutiste dans la société de son pays à peine sortie de la seconde guerre mondiale, fracassée et vaincue.
La Bête aveugle de Yasuzo Masumura, 1969 © The Jokers Films
Comme son œuvre très particulière et prolifique de 57 films réalisés entre 1957 et 1982, Masumara a un parcours inhabituel. Etudiant à Rome, il côtoie Antonioni, Fellini et Visconti, des cinéastes oversize très inspirés par les corps, et notamment pour certains, le corps féminin. De retour au Japon, Masumara livre lui aussi sa version de la vie de femmes, aux corps emportés par des sentiments poussés à leur paroxysme. « Les femmes sont plus humaines », dit-il, avant d’ajouter : « Les hommes vivent uniquement pour les femmes ».
Qu’il s’agisse de la passion lesbienne de Confessions d’une épouse (1961), de la femme accusée de donner intentionnellement la mort à son mari dans Passion (1964), ou de la prisonnière escaladant des corps géants de femmes créés par un artiste fou et aveugle dans La Bête aveugle (1969), ce sont des œuvres (restaurées en 4K, en vidéo dès maintenant, puis en salle en 2025, par The Jokers Films) traversées par l’excès et le courage. Ce sont des héroïnes qui se montrent et se racontent sans retenue, car elles n’ont pas le choix. Le cinéma de Masumara est en cela remarquable par sa subversion nécessaire, son graphisme splendide au service de la prise de liberté de certains individus, et particulièrement les femmes. Il s’agit d’aller au bout de soi-même, quel qu’en soit le prix, de façon personnelle si puissante, que cela en devient un cinéma de l’intime politique.
Virginie Apiou
Confessions d’une épouse de Yasuzo Masumura (Tsuma wa kokuhaku suru, 1961, 1h32)
Institut Lumière (Villa) sa 12 19h30 | Institut Lumière (Villa) sa 12 19h45 | Pathé Bellecour di 13 16h45 | UGC Confluence me 16 13h30
Passion de Yasuzo Masumura (Manji, 1964, 1h31)
UGC Confluence lu 14 16h45 | Institut Lumière (Villa) je 17 18h15 | Institut Lumière (Villa) je 17 18h30
La Bête aveugle de Yasuzo Masumura (Moju, 1969, 1h24, int -16ans)
Institut Lumière (Hangar) lu 14 22h | UGC Confluence je 17 19h15