Familles

La fête des pères
 


Posté le 21.10.2023


 

Motif récurrent du cinéma de Denys de la Patellière : des figures de père en conflit avec leur descendance. Jouons au jeu des sept papas.

LE PREMIER PÈRE
(Pierre Fresnay dans Les Aristocrates, 1955)

Aristo mais terrien, proche de ses métayers mais inflexible avec ses enfants. Le marquis de Maubrun, joué par un Pierre Fresnay sévère mais juste, est le 1er patriarche, sans doute à forte teneur autobiographique, du cinéma de Denys de la Patellière : arc-bouté sur ses quartiers de noblesse, il voit la jeune classe se rebeller contre sa gestion des affaires familiales. Qui gagnera, l’ancien ou le nouveau monde ?


LE PÈRE MALADE
(Jean Debucourt dans Le Salaire du péché, 1956)

Il souffre du cœur, mais on jurerait qu’au-delà des oreillettes et des ventricules, l’organe s’est brisé d’avoir renié sa propre fille (Danielle Darrieux, rien que ça) partie avec un gandin sans fortune… Capitaine d’industrie, ayant fait fortune dans les pêcheries rochelaises (Simenon n’est pas loin) le voici partagé, depuis son lit de souffrance, entre amour paternel, haine de toute forme de plaisir et radinisme bien tempéré. On se doute du camp que choisira l’infirmière femme fatale irrésistiblement jouée par Jeanne Moreau…


LE PÈRE CRUEL
(Jean Gabin dans Les Grandes familles, 1958)

Une satire cruelle du grand monde des affaires, adaptée d’une partie de la saga romanesque de Maurice Druon  :  ce portrait d’une tribu d’académiciens, ecclésiastiques, militaires, etc. est dominé par le patriarche affairiste (que joue Gabin avec une pointe de gouaille prolétarienne un peu en décalage avec sa parentèle, mais qu’importe). Le lequel est prêt à tout compris à tuer sa propre descendance au nom du dieu argent. Le plus terrifiant des films de de la Patellière.

GRANDES-FAMILLES
Les Grandes familles
, 1958  © DR


LE PÈRE LARGUÉ

(Jean Gabin dans Rue des prairies, 1959)

Au retour du stalag, il a trouvé ce bébé qui ne pouvait pas être de lui et que lui a laissé son épouse, morte en couches. Il l’a élevé sans rien dire comme ses deux aînés. Et voici que ceux–là sont au bord de renier leur vieux père, l‘un boxeur combinard, l’autre éprise d’un vieux snob. Et si les liens de l‘amour étaient plus forts que ceux du sang ? Gabin dans un rôle au petit poil de prolo aux principes aussi grands que le cœur et le vocabulaire (ce dernier prêté par Michel Audiard).


LE PÈRE EXCENTRIQUE

(Michel Simon dans Le Bateau d´Émile, 1962)

Il y a deux personnages de père dans Le Bateau d´Émile, adapté d’une nouvelle de Simenon : l‘un patriarche et homme d’affaires joué par Pierre Basseur ; l’autre passablement atypique, frère du premier, incarné avec gourmandise par Michel Simon. Ex–baroudeur revenu malade dans la maison familiale, il crée du scandale, lutine les infirmières et menace en outre de léguer sa fortune – sa part de l’entreprise familiale – à son fils naturel, joué par Lino Ventura, jugé indigne de la « grande famille ».


LE PÈRE ADOPTIF
(Jean Gabin dans Le Tonnerre de Dieu, 1965)

Gabin, acte III. Misanthrope, alcoolique, atrabilaire, ce père-là n’a pas d’enfant et en meurt lentement en martyrisant sa femme (magnifique Lilli Palmer). Jusqu’à ce qu’il ramène des bas quartiers de Nantes une petite fleur de trottoir (jouée par Michel Mercier) qu’il installe au château. La voilà qui fraye avec le fermier d’à côté. De quoi transformer notre capitaine Haddock en sacré grand-père ? Une fois de plus, selon Denys de la Patellière, mieux vaut la famille qu’on se choisit que celle qu’on subit…


LE PÈRE INQUIET
(Fernandel dans Le Voyage du père, 1966)

Elle ne revient pas pour l’anniversaire de sa sœur, alors, le père inquiet quitte ses montagnes pour aller chercher dans la grande ville sa fille aînée, dont il n’a plus guère de nouvelles. Flanqué de Laurent Terzieff, improbable fiancé instituteur, Fernandel, affligé et donc plutôt sobre, arpente les rues de Lyon, devenue ici une étrange capitale de la perdition. La société change, les pères ont-ils encore leur mot à dire ? Le Voyage du père est tiré d’un roman de Bernard Clavel qui lui-même a quitté son Jura natal pour devenir écrivain lyonnais.

 

 


Aurélien Ferenczi



SÉANCES

Les Grandes familles (1958, 1h32)
Lumière Terreaux - Dimanche 22 octobre, 11h
Le Bateau d´Émile (1962, 1h41)
Pathé Bellecour - Samedi 21 octobre, 10h45
Le Voyage du père (1966, 1h25)
Institut Lumière (Hangar) - Samedi 21 octobre, 16h

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