Diva

La chica de la plaza Santa Ana
 


Posté le 18.10.2023


 

Hommage à l’une des muses de Pedro Almodovar : Marisa Paredes, à la riche carrière et à l’engagement sans failles.

Quand elle jouait sur la plaza Santa Ana de Madrid, la ville de son enfance, la petite María Luisa Paredes Bartolomé rêvait déjà de brûler les planches des théâtres alentours. Peu d’artistes dans sa famille pourtant, pour celle qui vient d’une modeste famille ouvrière. Née à Madrid le 3 avril 1946, fille d'un employé de la fabrique de bières « El Aguila » et de la gardienne de l’immeuble du numéro 13, la jeune Marisa sentait l’appel de la scène de manière irrépressible. À l'âge de 11 ans, elle s'enferme dans sa chambre et entame une grève de la faim lorsque ses parents refusent sa décision de devenir artiste. Pour autant, sa mère à la personnalité galvanisante la soutiendra toute sa vie.

À l'âge de 15 ans, elle fait une apparition sur scène en tant que « stagiaire de théâtre » dans la compagnie de Conchita Montes, grande dame et brillante directrice de scène, pour la pièce de José López Rubio Esta Noche Tampoco. Elle n’a pas encore l’âge légal qui s’élève à l’époque à 21 ans mais sa mère veille et la raccompagne «acasa» tous les jours à 1h du matin. Heureusement, le théâtre n‘est qu’à quelques pas. Entre théâtre et cinéma, la superbe carrière de Marisa Paredes prend la tournure qu’elle aura toute sa vie. Ses débuts se font aussi derrière le petit écran, dans les mythiques Studio 1 de TVE (Televisión Española) pour lesquels elle incarne des personnages de Shakespeare, Tchekhov, Beckett ou Garcia Lorca... Comédienne consacrée au théâtre, vedette de télévision, les rôles se succèdent mais, dans les années 1970 et 1980, le cinéma avec un grand C la boude un peu. Elle passe à côté de certains rôles auprès de Luis Buñuel ou de Luis García-Berlanga Martí, auteur de Plácido (1961). Sans regrets toutefois.

TALONS-AIGUILLES
Talons Aiguilles, 1991 © DR


Dans les années 1990, elle s’illustre dans les films de Pedro Almodóvar, ce qui lui vaut la reconnaissance à l’international qu’elle a depuis bien longtemps dans son propre pays. Il fait d’elle l’une de ses « chicas » les plus emblématiques en lui offrant un premier rôle de nonne sacrément déséquilibrée avec Dans les ténèbres en 1983 et, à 49 ans, le personnage de diva ravageuse Becky del Paramo, ex gloire musicale et mère abusive de Victoria Abril dans Talons Aiguilles. Suivent l’interprétation de l’héroïne dévastée et grandiose de La Fleur de mon secret en 1995 et, dans un registre plus grave, celle de l’actrice Huma Rojo dans Tout sur ma mère, film culte qui remporte l’Oscar en 1999. Marisa Paredes termine son cycle de collaborations avec le cinéaste de La Mancha en incarnant la glaciale Marilia de La Piel que habito en 2011. Un rôle à 180° des précédents. Éternellement reconnaissante auprès d’Almodóvar, elle reçoit des offres au-delà des frontières espagnoles, de France, d'Italie et d'Amérique latine. Elle travaille avec Raul Ruiz aux côtés de Marcello Mastroianni en 1996 dans Trois vies et une seule mort, avec Roberto Begnini dans La Vie est belle en 1997, pour Arturo Ripstein, Manoel de Oliveira ou Guillermo del Toro dans L’Échine du diable (2001), pour ne citer qu’eux. Marisa Paredes repousse les limites de son interprétation : jouer 
le même rôle à l’infini, trop peu pour elle. En 2010, la télévision espagnole lui ouvre une nouvelle fois les bras avec la série à succès en deux temps Felipe y Letizia, où son interprétation de la reine Sofia marque les esprits.

Avocate dans l’âme et résolument engagée « pour défendre des causes qui nécessitent un engagement important », l’actrice a consacré sa vie à ce métier, comme elle le déclare avec émotion en recevant un Goya d’honneur pour l’ensemble de sa carrière en 2018. En juillet 2023, elle fait une apparition remarquée à un meeting politique et s’exprime sur la situation de son pays : « Comment est-il possible que Vox (le parti d’extrême droite) et le Parti Populaire (Parti de droite) aient aussi peur de la liberté ? ».

 

 


Charlotte Pavard


 

SÉANCES

 
Talons aiguilles de Pedro Almodóvar (Taconeslejanos, 1991, 1h53)

Institut Lumière (Hangar) - Mercredi 18 octobre à 18h15
Ciné Mourguet, Sainte-Foy-lès-Lyon - Jeudi 19 octobre à 20h

L’Échine du diable de Guillermo del Toro (El espinazo del diablo, 2001, 1h47, int -12ans)
UGC Ciné Cité Confluence - Mercredi 18 octobre à 19h15
UGC Astoria - Samedi 21 octobre à 16h30

Prison de cristal d’Agustí Villaronga (Tras el cristal, 1986, 1h51, int -16 ans)
Pathé Bellecour
Jeudi 19 octobre à 17h15
Cinéma Comœdia - Samedi 21 octobre à 19h45

 

 

 

Catégories : Lecture zen