Double jeu

Louis Jouvet, jouer, jouer, jouer !
 


Posté le 15.10.2025


 

L'art de tout jouer en imprimant un style inoubliable caractérise Louis Jouvet. Près de 75 ans après sa mort, en 1951, on a toujours à l’oreille son phrasé unique et sa réplique culte : « Moi j'ai dit bizarre ? Comme c'est bizarre » tirée de Drôle de drame

 

AMOUREUX-SONT-SEULS-AU-MONDE
© CICC / DR
Jouvet face à Jouvet, Les Amoureux sont seuls au monde

 

Louis Jouvet a eu de multiples existences artistiques en même temps : comédien, metteur en scène, directeur de théâtre, professeur au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Le festival Lumière choisit de lui rendre hommage à travers quelques-uns de ses films tournés de 1936 à 1951. Fou de théâtre, Jouvet se détourne de ses études de pharmacien, pour suivre des cours avec Charles Dullin. De 1933 à 1951, il enchaine plus d’une trentaine de films. Ce roi des comédiens, né en 1887, a tourné avec Jean Gabin, Arletty, Bernard Blier, Michel Simon,… sous les directions de Marcel Carné, Jean Dréville, Jean Renoir, Henri-Georges Clouzot, Julien Duvivier… Avec cette large troupe, il a déployé un jeu double, triple, quadruple… et plus encore.

De stature grande et fine, il impose une silhouette toujours droite. Il ne rit jamais aux éclats. Son jeu est vif, sans chercher à être agile. Avec ses bras longs toujours légèrement décollés du corps et son regard volontairement fixe, Jouvet impressionne, absorbe ses personnages. Il a exercé son métier comme peu l’ont fait avant lui. Comme si la vie ne lui suffisait pas, il multiplie les identités à l’écran, accomplissant même l’exploit d’incarner à l’intérieur d’un même film, plusieurs rôles ! Il est un maquereau soigné qui était aussi un gangster sale dans Hôtel du Nord ; il est le riche aristocrate devenu SDF de Les Bas-fonds, le voyou patron de boîte de nuit qui était avocat de Un carnet de bal, le vieux comédien hanté par ses rôles de La Fin du jour, le metteur en scène flamboyant obsédé par son passé de garçon naïf au point de changer de nom d’Un revenant, le copain militaire en réalité inspecteur de police de L’Alibi, le flic avisé qui prend l’identité d’un avocat véreux à qui il ressemble trait pour trait dans Entre onze heures et minuit dont la première séquence se moque de ses histoires de double, ses histoires de sosies (!!) ; ou enfin l’escroc-assassin jouant les déménageurs, les riches clients, les aristocrates âgés, qui rencontre son double honnête dans le bien nommé Copie conforme, summum de l’usurpation d’identités made in Jouvet !

 

 

COPIE-CONFORME
© DR
Jouvet face à Jouvet, Copie conforme

 

Rarement marié à l'écran, il est plutôt porté sur les personnages de drôles de types, aventuriers, dangereux, mufles parfois, ou à contrario les inspecteurs clairvoyants, les délicats perspicaces. Tous ont un point commun : ils comprennent les autres. Ils sont intelligents, même quand ils font les idiots. Ils peuvent être profonds jusqu’à la noirceur. Ils savent être graves. Sarcastiques aussi (merci aux dialogues d’Henri Jeanson), émouvants souvent quand ils sont tentés par l’amour comme dans Les Amoureux sont seuls au monde. Au cinéma, Jouvet prête son visage insondable de celui qui observe et devine les âmes. Il est capable de dire les choses intenses froidement comme l’un de ses personnages les plus passionnants, le formidable inspecteur Antoine de Quai des Orfèvres qui traque les crapules et arrange le destin des fragiles, parce qu’il connaît la vie.

 

Virginie Apiou

 

 

Remerciements à Gaumont, Les Acacias, Les Productions Jacques Roitfeld, MK2 Films, Pathé, René Chateau, SND, Tamasa. En partenariat avec l’INA, qui présentera des archives sur Louis Jouvet à certaines séances.

 

La programmation

Les Bas-fonds de Jean Renoir (1936, 1h33, VFSTA)
Pathé Bellecour me 15 19h15 | Comœdia ve 17 10h45 | UGC Astoria di 19 14h15

Un carnet de bal de Julien Duvivier (1937, 2h05)
Pathé Bellecour je 16 10h45 | UGC Astoria sa 18 14h15

Drôle de drame de Marcel Carné (1937, 1h38)
Comœdia je 16 18h45

L'Alibi de Pierre Chenal (1937, 1h24)
Lumière Terreaux je 16 14h30 | Pathé Bellecour ve 17 18h30

Hôtel du Nord de Marcel Carné (1938, 1h35, VFSTA)
UGC Confluence me 15 13h30 | Pathé Bellecour je 16 14h30 | Lumière Terreaux sa 18 18h45

La Fin du jour de Julien Duvivier (1939, 1h45, VFSTA)
UGC Astoria je 16 17h45 | UGC Confluence sa 18 11h15

Un revenant de Christian-Jaque (1946, 1h47, VFSTA)
UGC Confluence me 15 11h15 | Sainte-Foy-lès-Lyon sa 18 18h15 | Pathé Bellecour di 19 17h45

Copie conforme de Jean Dréville (1947, 1h45, VFSTA)
UGC Confluence me 15 18h15 | Pathé Bellecour di 19 11h15 ST-SME

Quai des Orfèvres de Henri-Georges Clouzot (1947, 1h45, VFSTA)
UGC Astoria me 15 11h | Comœdia je 16 11h15 | Rillieux sa 18 19h30 | Institut Lumière (Hangar) di 19 14h

Les Amoureux sont seuls au monde de Henri Decoin (1948, 1h44, VFSTA)
Lumière Bellecour ve 17 20h ST-SME | Pathé Bellecour sa 18 11h15

Entre onze heures et minuit de Henri Decoin (1949, 1h40)
Comœdia ve 17 17h15 | Pathé Bellecour sa 18 14h | Institut Lumière (Villa) di 19 14h | Institut Lumière (Villa) di 19 14h15

Knock de Guy Lefranc (1951, 1h44, VFSTA)
Pathé Bellecour je 16 11h15 | Caluire je 16 20h30 | Pathé Bellecour ve 17 17h15 | UGC Confluence di 19 11h15

Une histoire d'amour de Guy Lefranc (1951, 1h34, VFSTA)
Lumière Terreaux ve 17 13h45 | Comœdia sa 18 10h45

 

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