Iciar Bollain,

au plus près de la vérité
 


Posté le 16.10.2024


 

Elle ne croit pas que le cinéma puisse changer le monde. Mais elle est persuadée qu’un film peut conduire à modifier nos regards. Portrait d’une femme de valeurs.

 

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Icíar Bollaín © 2024 Epicentre Films

 

Iciar Bollain est devenue cinéaste parce qu’elle aimait raconter des histoires, avec une seule et unique exigence : que ces histoires nous parlent de nous. A ce jeu-là, il lui est arrivé d’avoir un coup d’avance, comme lorsqu'en 2003 elle présente Ne dis rien (Te doy mis ojos). Le portrait d’une femme victime de violences conjugales qui trouve le courage de parler puis de s’enfuir. Un sujet tabou, que son film va contribuer à rendre visible. La force de ce drame est d’occulter toute scène de violence physique pour s’attacher à ses conséquences ; et aux réactions de l’entourage de la femme battue : une mère qui consent, un fils que se tait, une soeur incrédule. « Il m’a fallu du temps comme cinéaste pour appliquer une règle qui paraît simple : ne pas dire les choses, mais les montrer ». L’année suivante, une loi était rédigée et votée pour offrir une protection spécifique aux victimes.

 

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Icíar Bollaín © Morena Films - Mandarin Cinéma / DR

 

En salles, Ne dis rien trouve son public, quand la profession s’enorgueillit d’une œuvre si forte. 14 nominations aux Goya et 7 trophées récompensent le travail d’Iciar Bollain, dont ceux décernés au meilleur film et à la meilleure réalisation.

 

La carrière d’Iciar Bollain (1967) a commencé devant la caméra. En 1983, à quinze ans, Victor Erice lui confie l’un des rôles principaux de son deuxième long métrage, El Sur (Le Sud). Le cinéaste avait commencé par auditionner la sœur jumelle d’Iciar, Marina. « Mais tout ce que le personnage avait d'extraverti, d'amical et de charismatique, Icíar l’avait, dit Erice ; une profondeur dans le regard. Une empathie ».

 

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Ne dis rien
d'Icíar Bollaín (2003) © Alta Produccion / DR

 

Mais pour l’heure, c’est la peinture qui intéresse Iciar, qui intègre l’école des Beaux-Arts de Madrid tout en tournant une poignée de films, dont des comédies anecdotiques. Jusqu’à la proposition de jouer dans le film que Ken Loach prépare autour de la guerre civile espagnole. Land and Freedom, co-écrit par Paul Laverty qui deviendra son mari, père de leurs trois enfants. Iciar y interprète une milicienne qui assiste en 1936 à la confrontation entre trotskistes et anarchistes au sein du camp républicain.

 

Du haut de ses 27 ans, la jeune femme ne partage pas alors la vision du réalisateur anglais sur les événements. « Mais parce que je ne connaissais tout simplement pas cet aspect de l’Histoire d’Espagne ! A l’école, nous n’avons jamais pu étudier la guerre civile. C'était dans les manuels scolaires, mais nous n'y sommes jamais parvenus ». Que cet épisode dramatique fasse encore débat dans l’Espagne d’aujourd’hui, prouve que l’ignorance demeure.

 

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L'Affaire Nevenka
d'Icíar Bollaín (2024) © DR

 

Toute l’œuvre de la cinéaste sera par la suite une réponse à cette ignorance, quel que soit le sujet abordé par ses films. Tous surfent sur des sujets sensibles, qui appellent un travail d’enquête et de documentation qui peut durer deux ans, avant d’écrire la première ligne du scénario. Iciar Bollain par toujours de l’actualité pour travailler sa matière dramatique. Le cas avec Les Repentis sorti en 2021 qui met en scène une femme désireuse de rencontrer le terroriste assassin de son mari ; le cas encore de L’Affaire Nevenka sa dernière réalisation : l’histoire d’une vaillante jeune femme qui en 2000 parvint à faire condamner pour la première fois un homme politique pour harcèlement sexuel, « en ayant contre elle toute l’opinion ».

 

Pour autant, Iciar n’aime pas qu’on définisse son cinéma comme « social » ou « politique ». « C’est le moyen qu’ont trouvé certains pour le marginaliser. Faire du cinéma c’est défendre des valeurs auxquelles on croit, dit-elle. Beaucoup de films mainstream mettent en valeur l’opulence : de grandes maisons, de grosses voitures, des mariages fastueux. Et ça, c’est tout autant “politique”, vous ne croyez pas ? »

 

Carlos Gomez

 

Master class
Rencontre avec Icíar Bollaín
Mercredi 16 octobre à 10h45 au Pathé Bellecour
Avec le soutien de LOGO CHANEL

La programmation

Ne dis rien d’Icíar Bollaín (Te doy mis ojos, 2003, 1h43)
Institut Lumière (Hangar) ma 15 17h15 | Pathé Bellecour me 16 19h | Pathé Bellecour sa 19 22h

Même la pluie d’Icíar Bollaín (También la lluvia, 2010, 1h44)
UGC Astoria ma 15 20h

Les Repentis d’Icíar Bollaín (Maixabel, 2021, 1h55)
UGC Confluence ma 15 11h15 | Lumière Terreaux me 16 16h30

Avant-première

L’Affaire Nevenka d’Icíar Bollaín (Soy Nevenka, 2024, 1h50)
Comœdia lu 14 19h15

Actrice

Land and Freedom de Ken Loach (1995, 1h49)
Comœdia lu 14 16h30 | Comœdia me 16 17h15

 

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