Invité d'honneur

Tarik Saleh, Le Caire parano
 


Posté le 15.10.2025


 

Selon lui, le cinéma est d’abord un art moral. « Chaque image doit poser une question ». Il filme comme on interroge, avec le mordant du graffeur qu’il fut, conscient que la surface est trompeuse. 

 

CONSPIRATION-DU-CAIRE-BOY-FROM-HEAVEN
© Atmo Production - Arte France Cinema - Film i Vast - Final Cut for Real
- Memento Films - Oy Bufo Ab - Sveriges Television (SVT)
La Conspiration du Caire (2022)

 

Tarik Saleh a grandi à Stockholm, fils d’un père égyptien et d’une mère suédoise. « Enfant, je regardais la télévision arabe sans comprendre les mots, mais je sentais la tension politique dans les visages. » De cette fracture initiale naît son cinéma : entre deux rives, deux récits, deux vérités. Avant de passer à la fiction, Saleh a signé des documentaires sur le pouvoir, la religion, la propagande. Le festival célèbre un cinéaste dont la Trilogie du Caire forme désormais le cœur battant d’une œuvre rare et cohérente. Trois films, trois variations sur la corruption et la survie : Le Caire confidentiel (2017), La Conspiration du Caire (2022), et Les Aigles de la République (2025). Ils composent un état des lieux moral de l’Égypte actuelle. « Je ne fais pas des films sur l’Égypte, je fais des films à partir d’elle. C’est un laboratoire du pouvoir, et ce pouvoir, je le reconnais partout. » Le Caire confidentiel est un polar sec qui s’ouvre sur un meurtre d’actrice en plein Printemps arabe. Le flic, Noureddin (interprété par le colossal Fares Fares, suédois d’origine libanaise, présent dans les trois films) joue les cyniques, mais court après un reste d’honneur dans une ville où tout s’achète. Saleh filme Le Caire comme un organisme malade : néons ternes, couloirs de poussière, désirs sous surveillance. Une lettre « d’amour » malgré tout « à un pays qu’on empêche de respirer », confie le cinéaste. Avec La Conspiration du Caire, il déplace la lutte à l’université d’Al-Azhar. Un étudiant y découvre la mécanique implacable du religieux et de l’État. Ce thriller - tourné en Turquie - allégorie limpide du pouvoir clérical, se joue des symboles pour montrer la manipulation des consciences. « Je voulais traiter la foi comme un champ de bataille invisible », dit Saleh. « Les hommes de pouvoir se servent de Dieu pour fermer les yeux des autres. » Les Aigles de la République, dernier volet, recentre l’enquête sur l’appareil sécuritaire. La peur n’est plus un contexte, mais une méthode. La mise en scène épouse la mécanique de la domination qu’elle dénonce : cadrer, contrôler, contraindre.

 

AIGLES-DE-LA-REPUBLIQUE
© Yigit Eken - Unlimited Stories - Apparaten - Memento Films Production - Strom Pictures - Oy Bufo Ab
Aigles de la République (2025)


Pour Saleh, la trilogie est une introspection : « En filmant Le Caire, je filme mes contradictions. J’appartiens à deux mondes qui se méfient l’un de l’autre. Mon cinéma est un faux passeport, mais nécessaire. » Son œuvre, aujourd’hui, circule comme une rumeur obstinée : celle d’un cinéma qui cherche la vérité non pas dans les faits, mais dans la façon de les observer. Magistral.

 

Carlos Gomez

 

 

 

Master class
Rencontre avec Tarik Saleh
Mercredi 15 octobre à 15h au Pathé Bellecour


La programmation

  

Le Caire confidentiel de Tarik Saleh (The Nile Hilton Incident, 2017, 1h50)
Lumière Terreaux me 15 17h15 | Institut Lumière (Hangar) je 16 14h30

La Conspiration du Caire de Tarik Saleh (Walad min al-Janna, 2022, 2h)
UGC Astoria me 15 20h30

 

 

 

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