Jérôme Garcin :

s'adresser  au public en évitant l'entre-soi
 


Posté le 12.10.2025


 

Auteur, journaliste, animateur pendant 35 ans du Masque et la Plume, le Prix Bernard Chardère lui est décerné aujourd’hui au nom d’un amour du cinéma qu’il a si bien su partager.

 

jerome-garcin© DR

 

La figure de Bernard Chardère (1930-2023) cofondateur de Positif et de l’Institut est annuellement célébrée à Lyon. Vous vous connaissiez ?

Je me souviens de l’homme incroyablement chaleureux et enthousiaste qu’il était, de son amour pour l’univers de Jacques Prévert…  Nous avions pas mal échangé par courrier à la fin de sa vie. Je l’aimais beaucoup.

 

Des prix vous en avez reçu des dizaines. Quel place aura le Chardère ?

Il est le premier qu’on me décerne pour saluer ce que j’ai fait en faveur du cinéma. C’est de surcroît un Prix qui a couronné par le passé des amis très chers, critiques jadis du Masque et la Plume comme Michel Ciment en tête, Daniel Heymann. ça me relie définitivement à ceux qui étaient un peu ma famille. ça me touche beaucoup.

 

Thierry Frémaux avait déjà suggéré votre nom dans le passé.

Mais je ne préférais pas tant que j’étais à l’antenne. Aujourd’hui, le timing est idéal, quand de surcroît, le Masque fêtera le mois prochain son soixante-dixième anniversaire.

 

Le Prix récompense régulièrement des voix de France Inter : Eva Bettan, Christine Masson et Laurent Delmas… 

Que le Chardère salue au passage l’audiovisuel public est merveilleux. Il en a bien besoin, plus que jamais.

 

Faire aimer la culture au plus grand nombre a toujours été votre credo.

Et le cinéma en particulier, oui, dès mes débuts dans la presse écrite à 19 ans.

 

Comment naît votre amour du cinéma ?

J'ai eu la chance inouïe de grandir à côté d’un père qui était directeur littéraire et féru de culture tous azimuts. De l’amour du papier je suis passé à celui de la peliculle, écrémant je ne sais combien de ciné-clubs… Mais la nécessité frénétique de “tout voir” a commencé à mon entrée au Masque. Dix films par semaine. Et ça a duré 35 ans. Incroyable.

 

On peut vous compter parmi les cinéphiles donc.

Je le suis devenu à partir du moment où j'ai animé l’émission, car je considérais que je ne pouvais pas arbitrer un débat entre des critiques qui étaient tous des cadors sans avoir tout vu.

 

Et vous vous êtes piqué au jeu.

Progressivement j’ai commencé à donner aussi mon avis. Ce n'était pas forcément mon rôle, mais c'était dans la continuité du plaisir ou du déplaisir que j'avais à voir un film. J'ai adoré évidemment arbitrer ces débats, avec autour de moi ces encyclopédistes. Il fallait être à la hauteur aussi avec toutes ces épées !

 

Quel est votre souvenir le plus fort associé à une séance de cinéma ?

Mon souvenir le plus troublant, peut-être le plus personnel, le plus intime, me renvoie à mes 17 ans. Mon père en avait 45 et m’avait emmené voir La Maison des bories dans une salle du haut de la rue Saint-Jacques. Un film de Jacques Doniol Valcroze, avec Marie Dubois, Philippe Garrel… Pas un chef d'œuvre, mais il me reste gravé car associé au dernier moment où mon père et moi avions été si proches. Une semaine après, il faisait une chute mortelle à cheval. Je n'ai jamais voulu revoir ce film. Jusqu’en 2020, année du confinement où nous avons continué à réaliser le Masque, mais en n’évoquant que des classiques. Le film ne s’est pas bonifié avec le temps, c’est clair, mais l’émotion qui lui attachée m’a submergé. 

 

Le cinéma se partage dans l’émotion, mais aussi un peu dans la mauvaise foi, non ?

Ah oui, oui, le succès du Masque repose sur la capacité des critiques à l’être. Ils assurent ainsi le spectacle. On s’adresse à un public et par respect pour lui il faut éviter l'entre-soi. Juste veiller à ce que derrière il y ait toujours de la sincérité. 

 

 Propos recueillis par Carlos Gomez

 

RDV Cinéma 

AU VILLAGE DU FESTIVAL Dimanche 12, 17h
Discussion avec Jérôme Garcin,
journaliste et récipiendaire du prix Bernard Chardère 2025

> Billetterie 

Catégories : Lecture zen