« Le public nous fait confiance ! »

 


Posté le 14.10.2023


 

180 films en 448 séances : le festival Lumière va apporter pendant neuf jours son lot d’émotions et de découvertes. Retour sur quelques axes de l’édition 2023 avec sa programmatrice, Maelle Arnaud

À vos yeux, qu’y-a-t-il d’exceptionnel dans cette édition ?
Peut-être la disponibilité et l’engagement du prix Lumière : Wim Wenders présentera de nombreuses séances, mais surtout son entourage sera là pour offrir aux Lyonnais un événement unique. Je pense aux actrices Aurore Clément et Nastassja Kinski, aux acteurs Rüdiger Vogler et Hanns Zischler, à l’écrivain Peter Handke, etc. Nous célébrons un cinéaste mais le cœur du festival battra au rythme de son univers tout entier, l’univers Wenders.

 

Vous célébrez cette année les quinze ans de festival, notamment à travers une section dédiée. Quel en est le principe ?
Nous nous sommes rendu compte que, vu la richesse du programme, il y avait des films sur lesquels il était possible de revenir, soit parce que nous les aimons particulièrement, soit parce qu’ils ont été l’occasion d’une séance mémorable par le passé. Le festival Lumière possède son identité propre, constituée du Prix, de l’Histoire permanente des femmes cinéastes, de l’hommage au cinéma français, de la présence des archives. Et aussi de moments forts… Nous avons choisi des films qui illustraient cette histoire et qui, au cœur d’une longue liste, méritaient par leur ampleur visuelle le grand écran, à l’image de La Porte du paradis ou de 1900.

 

Comment avez-vous redécouvert la cinéaste espagnole Ana Mariscal ?
Tout au long de l’année, je suis en veille, je fouille dans les histoires du cinéma. L’an passé, le pays invité par le marché international du film classique était l’Espagne. J’avais évoqué le nom de Mariscal et la Filmoteca española m’a rappelé que l’un de ses films, Le Chemin, avait été restauré. Je l’ai vu et trouvé magnifique, et chacun a joué son rôle : la Filmoteca a achevé les autres restaurations, fourni des sous-titres français, pour valoriser la présence de la cinéaste dans l’histoire du cinéma espagnol. Et nous sommes leur relais.
Ce qui nous rend encore plus heureux, c’est qu’il s’agit d’une cinéaste grand public, dont les films peuvent plaire à tous, et pas seulement aux cinéphiles avertis. Elle permet aussi de questionner à nouveau la figure de ces actrices qui ont voulu faire du cinéma et dont le mari a dû créer une boîte de production pour accéder aux financements… L’histoire se répète. On attend toujours avec impatience le moment où il ne sera plus nécessaire d’avoir cette section consacrée aux femmes cinéastes au cœur du festival. D’ici là, il y a encore des noms et des œuvres à redécouvrir.

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Pather Panchali, 1955 © Government of West Bengal / DR

 

Quel bilan tirez-vous de la saison de l’institut Lumière, entre les festivals 2022 et 2023 ?
Les spectateurs sont bien là. L’opinion générale était qu’après le COVID il faudrait deux ou trois ans pour qu’ils reviennent comme avant. Chez nous, ils ont tout de suite répondu présent. Je ne dis pas qu’il ne faut pas se battre pour solliciter le public, mais pas plus qu’avant. Nous avons constaté qu’il y avait plusieurs types de cinéphilies à Lyon : tout le monde ne va pas tout voir, mais si l’on imagine des programmes variés, alors plusieurs publics différents se rendront à l’institut. Nous attirons notamment du public vers un cinéma qu’il y a quelques années encore on aurait considéré comme contemporain, mais qui a vingt ou trente ans et qui a toute sa place dans une cinémathèque. L’institut Lumière ne fait pas du tout peur aux jeunes générations, on l’a vu par exemple lors de la rétrospective Miyazaki. Et quand je vois les réservations pour le festival, même après une édition aussi exceptionnelle que celle de l’an passé, avec un cinéaste très populaire comme Tim Burton, c’est la preuve que les gens nous font confiance.

 

Si vous deviez recommander trois séances de l’édition 2023… ?
Je vais pointer des moments qui sont vraiment dans l’ADN du festival, les séances présentées par des artistes qui nous révèlent leur inspiration ou leur méthode de travail. Ainsi, la conversation entre Wim Wenders, Rüdiger Vogler et Hanns Zischler, à l’issue de la séance d’Au fil du temps, lundi 16. Un moment unique et, selon la fondation Wenders, absolument inédit. Dans le même ordre d’idées, Wes Anderson a accepté de présenter une séance de Pather Panchali, par amour pour le cinéma de Satyajit Ray, que l’on découvrira enfin restauré dans des copies magnifiques. Ou encore Alfonso Cuarón qui vient tout exprès dire sa passion pour le cinéma d’Alain Tanner. Qu’il vienne non pas pour présenter de ses films, mais pour rendre hommage à un pair, cette circulation de la cinéphilie, je trouve cela génial !



Propos recueillis par Aurelien Ferenczi


 

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