Posté le 14.10.2024
Une salle comble et une standing ovation : le cinéaste Xavier Dolan, n’est pas seulement le chouchou des festivals, il tient aussi une place de choix dans le cœur des cinéphiles lyonnais. Avec l’humour ravageur et la générosité qu’on lui connaît, le réalisateur québécois s’est livré sans fard lors d’une Master class d’anthologie tenue au Pathé Bellecour. Avec un casting 5 étoiles dans la salle : Alexandra Lamy, Anne Dorval et Pierre-Olivier Pilon. Extraits choisis.
© Sandrine Thesillat - JL Mège Photographies
D’amour ou d’amitié
L’amitié est un des thèmes forts de mes films. Toute ma vie est centrée sur l’amitié. Toutes mes grandes histoires d’amour sont d’abord des histoires d’amitié. Matthias et Maxime (2019) est un film de reconstruction, de guéri-son pour moi. Je me suis entouré de mes meilleurs amis pour le faire. Le cinéma est une voie que l’on emprunte pour mieux vivre ! Je veux montrer dans mes films des personnages résilients. J’aime les battants, les gens qui recherchent une justice sociale.
L’ouvrage A Friendship Trough Film, co-signé avec Shayne Laverdière
Je pense que je n’aurai jamais eu la prétention de publier un livre si ce n’est pour parler du travail du photographe Shayne Laverdière. Nous avons débuté ensemble et nous nous connaissons depuis 2011 : j’ai eu envie de lui proposer de faire les photos du tournage de Mommy (2014). J’aime son travail, c’est quelqu’un qui nous a suivi aussi sur d’autres films et dans les festivals internationaux. Au travers de cet ouvrage, c’est une autre histoire qui se raconte : ses photos captent le processus créatif d’un film. On va même au-delà du film en montrant l’envers du décor.
Le sens du détail
Du décor en passant par les costumes, je porte beaucoup d’attention aux détails : c’est ce que j’aime le plus faire. Pour moi, c’est aussi beau de filmer un décor d’époque avec des ombrelles qu’un cendrier rempli de mégots ou une table sur laquelle les factures s’empilent. Lorsque je regarde un film, c’est le détail qui m’interpelle, qui me percute. Quant aux costumes, j’ai une grande passion du vêtement : c’est une seconde peau pour un acteur, c’est sa première réplique. Dans la vie aussi, le vêtement parle énormément de ce que l’on est. Et puis tous les cinéastes que j’admirent sont très impliqués dans le choix des costumes. C’est normal pour moi d’avoir cette attention, c’est l’inverse qui serait anormal !
© Sandrine Thesillat - JL Mège Photographies
Chanson populaire
J’ai l’impression qu’il y a eu une libération de cette tendance chez moi, de plus en plus assumée, à choisir les chansons. Je me souviens parfaitement du moment où nous parlions avec ma productrice Nancy Grant d’une des scènes de Mommy. Au départ, les choix s’étaient portés sur des titres plus pop, indépendants. Et puis j’ai dit à Nancy : « est-ce que tu penses que je peux mettre White Flag de Dido ? Elle m’a répondu : Bien sûr ! Les gens vont être ravis d’entendre cette chanson. Et cela correspondait exactement à la réalité des personnages.»
Arrêter le cinéma ?
Ce que j’ai dit sur mon envie de m’éloigner du cinéma a été « mal cité ». Cela fait six ans que je n’ai pas fait de film. J’ai dit que j’arrêtais parce que c’était une réalité : c’est difficile de réaliser un film, de le financer. Plus je vieillis et plus j’ai besoin de prendre le temps de faire les choses. J’ai besoin de construire, d’avancer. Si l’industrie dans laquelle je travaille ne me permet pas d’aller le plus loin possible, cela ne sert à rien ! J’ai l’envie et le besoin d’aller jusqu’au bout pour faire un film. Je suis préoccupé par le monde dans lequel nous vivons et le cinéma devient parfois un peu secondaire dans ce monde. Il m’est impossible de ne pas penser à ce qu’il se passe à Gaza, au Liban.
Son prochain film
Je travaille en ce moment sur un projet de film dont le tournage est prévu pour l’année prochaine. Le scénario est déjà écrit : l’histoire se déroule en 1895 dans le milieu littéraire parisien. Il y a énormément de traits de comédies dans l’écriture, mais le film sera un amalgame de plusieurs genres cinématographiques.
Propos recueillis par Laura Lépine