Posté le 17.10.2025
Le Prix Lumière est une reconnaissance envers son regard unique et sa capacité à saisir le réel. Portrait serré d’un cinéaste qui prépare la suite de Heat.
© Paramount - DreamWorks / DR
Michael Mann n’a jamais cessé d’explorer les tensions entre l’individu et le monde qu’il affronte. Depuis près de cinquante ans, il observe les gestes d’hommes en action et cet espace – souvent nocturne – où la frontière entre l’intime et le professionnel s’efface. Né à Chicago en 1943, diplômé de la London Film School à la fin des années 1960, il découvre à la fois l’écriture visuelle européenne et le réalisme social britannique. Un choc, qui détermine la direction d’un artiste épris de méthode. En 1995, dans une conversation avec le Los Angeles Times, cet obsessionnel confie “je veux que mes films soient aussi précis que le monde que je filme. » Précis, comprenez réel : que chaque geste, chaque lumière, chaque son corresponde à une observation concrète, sous des contours quasi documentaires.
Son premier long, Le Solitaire (1981), cristallise cette démarche. James Caan y incarne un cambrioleur prêt à tout pour s’extraire de son milieu confiné. Un personnage que Mann conçoit comme « un artisan, pas un voleur », selon ses mots à Film Comment. Déjà, la rigueur technique – outils, procédures, savoir-faire – procèdent d’une quête existentielle. Cette articulation devient la matrice de son œuvre.
© Mann/Caan Productions / DR
Le Solitaire (1981)
Du Sixième sens (1986) à Heat (1995), ses personnages s’observent en miroir. Êtres bons et êtres vils, partagent le même isolement ; les mêmes principes d’efficacité. Mais pas la même idée de la morale. “Leur opposition est une symétrie”, explique Mann dans Sight & Sound en 2001. La mise en scène s’en fait l’écho: plans géométriques, ville abstraite, temporalité suspendue. L’image devient comme un territoire mental, où se définit la distance, entre maîtrise effrénée et perte de contrôle.
Avec Révélations (1999), l’espace, filmé pour la première fois caméra à l’épaule, se réduit à l’espace clos d’un studio de télévision. Le combat moral s’exerce ici contre la puissance économique. Le cas avec le personnage de Jeffrey Wigand, lanceur d’alerte contre les intérêts de l’industrie du tabac qui l’a fait riche. La parole devient une arme. Mann filme Russell Crowe comme un tireur d’élite préparant le tir qu’il espère fatal.
Dans Ali (2001), son biopic sur Cassius Clay, la tension naît d’un conflit interne : celui que vit le boxeur, dès lors que ses convictions intimes se heurtent à sa surexposition publique. Dans Collateral (2004), il transpose ses questionnements et sa grammaire visuelle dans un Los Angeles électrique, traversé en une nuit. « Tourner en HD, c’est filmer le réel sans protection », précise t-il dans la revue American Cinematographer : la technologie reste pour Michael Mann un instrument de vérité, non de style. Et pour Tom Cruise un rôle de tueur glaçant. Mémorable.
Son cinéma se fait là l’écho des mutations technologiques qui traversent le cinéma. Les prises de vue en numérique, qu’il est le premier grand cinéaste à adopter dans Collateral, traduisent sa volonté d’épouser le monde dans ses tics névrotiques : reflets, textures, vitesses de circulation. Un catalogue de sensations sous adrénaline.
© 2004 DREAMWORKS, LLC and Paramount Pictures
Collatéral (2004)
« Je ne base pas des films sur des histoires, confie Mann à Indiewire, je fais des films sur la manière dont ces histoires deviennent visibles. » Un juste résumé de son rapport à la mise en scène : une recherche du vrai avant le spectaculaire. Le prix Lumière qui lui est remis aujourd’hui apparaît ainsi comme une reconnaissance de ce regard. Celui d’un cinéaste pour qui chaque image est un acte de précision et chaque personnage le sujet d’une équation à résoudre.
Le cinéma de Michael Mann ne tire pas de conclusion. Il observe, mesure, et laisse place au doute, entre ce que l’on maîtrise et ce que le monde impose. Dans Heat, Al Pacino et Robert De Niro échangent en « égaux », mais chacun depuis son camp retranché ; dans Miami Vice (2006), le couple de policiers s’effacera dans le désordre et le vacarme. Des fins hésitantes, fébriles, qui ne trahissent pas une incapacité à finir, mais plus sûrement la conscience que « l’action pure, dit Mann, n’efface jamais la solitude de celui qui agit. » Et son insoutenable, sa bouleversante vanité.
Carlos Gomez
Michael Mann, horizon bleu. Rockyrama.
Master class
Rencontre avec Michael Mann
Les Célestins, Théâtre de Lyon
Vendredi 17 octobre à 15h au Théâtre des Célestins
Cérémonie de Remise du Prix Lumière à Michael Mann
Amphithéâtre 3000
Vendredi 17 octobre à 19h30 au Centre de Congrès
>> Billetterie disponible ici
Comme un homme libre de Michael Mann (The Jericho Mile, film TV, 1979, 1h37)
Institut Lumière (Hangar) di 19 9h
Le Solitaire de Michael Mann (Thief, 1981, 2h04)
UGC Confluence sa 18 20h
La Forteresse noire de Michael Mann (The Keep, 1983, 1h36)
Pathé Bellecour ve 17 16h15
Le Sixième sens de Michael Mann (Manhunter, 1986, 2h04)
UGC Confluence ve 17 16h30
Le Dernier des Mohicans de Michael Mann (The Last of the Mohicans, 1992, 1h55)
UGC Confluence sa 18 13h45 | Comœdia di 19 11h15
Heat de Michael Mann (1995, 2h50)
Halle Tony Garnier di 19 15h
Révélations de Michael Mann (The Insider, 1999, 2h38)
Pathé Bellecour sa 18 16h30
Ali de Michael Mann (2001, 2h37)
UGC Confluence ve 17 21h
Collatéral de Michael Mann (Collateral, 2004, 2h)
Comœdia ve 17 14h30 | UGC Confluence di 19 16h45
Miami Vice : Deux flics à Miami de Michael Mann (Miami Vice, 2006, 2h19)
Lumière Terreaux sa 18 21h15
Hacker de Michael Mann (Blackhat, 2015, 2h13)
Comœdia sa 18 17h15
Ferrari de Michael Mann (2023, 2h10)
Amphithéâtre – Centre de Congrès ve 17 19h30
Série
Tokyo Vice - saison 1, épisode 1 L'Épreuve de Michael Mann (The Test, 2022, 55min)
Institut Lumière (Hangar) sa 18 22h15