Ça se passe au Marché du Film Classique

Gaëtan Bruel,
Président du CNC parle du
cinéma de patrimoine
 


Posté le 17.10.2025


 

 

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© CNC / Mehrak Habibi

 

Être invité d’honneur au festival Lumière, qu’est-ce que cela signifie pour vous? 

C'est évidemment la reconnaissance du rôle que le CNC joue pour la sauvegarde et le partage du cinéma de patrimoine. Mais cet honneur est aussi un bonheur personnel. Quand on aime le cinéma, il est impossible de se contenter des sorties du mercredi. Ce serait comme se cantonner aux titres de la rentrée littéraire, et s’interdire de lire aussi Balzac, Yourcenar ou mille autres auteurs réputés « classiques » ! C’est en tout cas ainsi que j’aime le cinéma, dans cette continuité absolue entre les frères Lumière et Agnès Varda, Georges Méliès et Michel Gondry, Alice Guy et Mati Diop...  

 

En quoi est-il important de travailler à la conservation et à la propagation du cinéma de patrimoine? 

Parce qu'il faut précisément rétablir cette continuité, et lutter contre l’absurde et dangereuse obsolescence programmée qui voudrait qu’un film, passée sa sortie en salle, serait passé de mode. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement le cinéma d’hier, c’est le cinéma tout court. On dit que c’est autant un art qu’une industrie, mais la réalité est que l’industrie prend trop souvent – et de plus en plus – le pas sur sa dimension d’art. Avec les films dits de patrimoine, le cinéma nous rappelle qu’il est, depuis 130 ans, l’un des arts les plus complexes, les plus puissants, mais aussi les plus fragiles si l’on n’en prend pas soin. 

 

Qu’est-ce que ce cinéma nous dit d’aujourd’hui? 

Que nous sommes parfois oublieux de ce qui nous a précédés. Cet héritage est pourtant constitutif de notre identité. Il est aussi et surtout ce qui donne à la diversité du cinéma sa véritable profondeur, car cette diversité doit s’apprécier dans l’espace (en regardant au-delà de notre propre tradition cinématographique) mais aussi dans le temps (en regardant au-delà des films du présent). Le goût pour cette diversité cinématographique doit être éveillé, cultivé. C’est l’enjeu de l’éducation aux images. Et c’est tout le rôle du festival Lumière. 

 

Comment le CNC intervient-il dans le domaine du cinéma de patrimoine? 

De plusieurs façons. D’abord en soutenant la restauration d’oeuvres, comme le magnifique Ombre et Lumière d’Henri Calef qui est présenté au festival cette année. Ensuite en favorisant leur numérisation et leur diffusion, que ce soit en salle, en vidéo ou en VàD, avec à chaque fois des dispositifs financiers dédiés. Sur cette édition 2025, le CNC a aidé près de 70 films présentés. Enfin, le CNC soutient toutes les institutions culturelles qui se consacrent au cinéma de patrimoine, comme l’Institut Lumière.  

 

Si vous aviez un film du patrimoine (projeté au festival cette année) à transmettre, lequel serait-il et pourquoi? 

J’ai regardé récemment La Fin du jour, de Julien Duvivier (1939), qui est l’un des 70 films aidés par le CNC. Un film bouleversant, l’hommage d'un grand cinéaste au théâtre, avec Louis Jouvet qui joue presque son propre rôle, un acteur vieillissant qui entre dans un hospice pour comédiens, condamnés à rejouer leurs souvenirs loin de la scène. C’est un film qui peut sembler mordant de prime abord, mais qui est traversé par une grande émotion.  

 

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