Pionnière

Étoile du Nord
 


Posté le 14.10.2025


 

Le cinéma norvégien n’a pas commencé à briller avec Joachim Trier. Avant lui, la réalisatrice Anja Breien avait dessiné les contours d’une cinématographie attachante et singulière. 

 

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© Erik Berglund / Aftenposten / NTB

 

Chantre d’un cinéma féminin avant d’être identifié comme féministe, Anja Breien, 85 ans, est une pionnière dont les films ont contribué à modifier les regards en Scandinavie. Sa vocation naît pourtant d’une rencontre fortuite avec un réalisateur. Elle n’a pas vingt ans et il lui demande ce qu’elle voudrait faire à la fin de ses études secondaires. “J'ai dit peut-être du cinéma” confiait-elle au site Africiné en 2012. Deux semaines plus tard, une scripte lui téléphone et lui propose de la remplacer sur un tournage. Anja ignore tout du métier et décide après cette expérience de trouver une école de cinéma. “Il n’y en avait pas en Scandinavie”. Alors direction Paris, où en 1962 - elle a 22 ans - elle intègre l’IDHEC, devenue depuis la Femis. Le timing est parfait, car sur les écrans français, la Nouvelle Vague a ouvert les vannes pour une génération de jeunes auteurs dont Anja va épouser la trace.

Entre deux cours, elle passe son temps à la Cinémathèque. C’est “aussi une excellente façon d'apprendre. Il faut connaître les classiques, estime-t-elle. Une source d'inspiration.” Et quand sortent les nouveautés, une même frénésie l'anime. “On allait au cinéma au lieu d'aller à l'école, par exemple pour voir le dernier Godard”.

Elle travaille sa petite musique en réalisant des courts-métrages, format auquel elle est restée fidèle jusqu’en 2005, année de sa dernière réalisation. Son premier long marque les esprits, Le Cas Anders, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 1971 sous le titre Le Viol. En noir et blanc, une étude de crime autour d’un faux coupable, prétexte à faire la critique de la justice avec un cachet documentaire. 

 

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© Malavida / DR
Wives (1975)

 

A travers son film suivant, Wives (1975), le regard d’Anja s’affirme. Et sa popularité explose. L’histoire ? Celle de trois copines d’enfance qui se retrouvent le temps d’une journée mémorable, abandonnant maris et enfants, oubliant un instant ce qu’elles sont et ne voudraient plus être. Une œuvre attachante et drôle, qui laisse une place importante à l’improvisation des dialogues, réponse féminine à Husbands de John Cassavetes (1971). La liberté de ton et de forme impressionnent, même quarante ans après. Pour l’historien et critique britannique Peter Cowie, de par la liberté de ton et de forme que s’autorise Anja, la réalisatrice a posé là les bases du Dogme, vingt ans avant que Lars Von Trier et Thomas Vinterberg ne se l’attribuent.

Quand sort Wives, la condition des femmes est un sujet sensible en Norvège aussi. “Il y avait pas mal de manifestations” se souvient Anja. Mais son parti pris était de jouer “l’humour et l’ironie”.  Wives devient un outil politique de revendication. Au point d’inciter la cinéaste à écrire deux suites - en 1985 et en 1996 - riches de la même insolence. Le trio vedette met un entrain communicatif à négliger ses “devoirs” pour laisser libre cours à ses droits. Et le public les suit. 

En 1979, Anja Breien connaît les honneurs de la Compétition cannoise, avec Héritage. Un regard satirique sur la famille, considéré comme son chef d'œuvre. Y compris par le grand Ingmar Bergman qui en chef d’oeuvre s’y connaît. Et pour lui, le film d’Anja “aurait dû être récompensé”.

 

Carlos Gomez

Remerciements à Malavida.
Avec le soutien de CHANEL 

 

La programmation

Le Viol d'Anja Breien (Voldtekt, 1971, 1h36)
Lumière Terreaux me 15 19h45 | Pathé Bellecour je 16 21h15

Wives d'Anja Breien (Hustruer, 1975, 1h24)
UGC Confluence ve 17 10h45 | Lumière Bellecour sa 18 20h30

L'Héritage d'Anja Breien (Arven, 1979, 1h35)
Pathé Bellecour me 15 11h15 | Lumière Terreaux je 16 16h45

Wives, dix ans après d'Anja Breien (Hustruer - ti ar etter, 1985, 1h28)
Lumière Terreaux je 16 21h45 | Lumière Bellecour di 19 14h30



 

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