Terry Gilliam :

« Croyez en vos rêves et si ça ne marche pas,
prenez du LSD »
 


Posté le 17.10.2023


 

Terry Gilliam est revenu sur sa carrière et sa vision du monde, tout en faisant rire son public.

 

CINÉPHILE ET PARCOURS DE CINÉASTE

Adolescent, j’allais voir des films comme n’importe quel jeune, sans conscience de l’aspect artistique. Mais j’ai déménagé à New York dans les années 1960 et on y projette beaucoup de classiques. Là, je me suis rendu compte que je voulais refaire tous les Buster Keaton. Metropolis (1927) et Le Cabinet du docteur Caligari (1920) sont des films qui m’excitaient vraiment. Ils ne ressemblaient pas à ceux de Dean Martin etc. J’aime aborder différents sujets mais j’ai appris de Mary Poppins le secret du succès : « avec un peu de sucre, on fait passer les médicaments ».

 

VISION ARTISTIQUE

La tension entre imaginaire et réalité m’intéresse. On a besoin des deux pour mener une vie à peu près décente. J’essaie, avec mes films, d’offrir une autre façon de penser, d’imaginer le monde. Par ailleurs, notre sens le plus important n’est pas le toucher ni l’ouïe, mais bien le sens de l’humour.

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© Léa Rener

 
MONTHY PYTHON : 1968-69

Nous étions très chanceux, un gang de six qui se faisait rire mutuellement. On passait sur la BBC et il n’y avait que trois chaines, c’était facile de tomber sur nous. Ce qui nous faisait rire a aussi fait rire d’autres personnes. Concernant La Vie de Brian, est-ce que le film pourrait exister aujourd’hui ? Les gens s’autocensurent tellement, mais il faut continuer à s’exprimer. Les gens sont forts et il faut croire au fait que l’on peut faire ce que l’on veut.

 

BRAZIL (1985)

Je ne pense pas au monde futur quand je fais un film, je fais un film au présent. Aux premières projections de Brazil, les salles se vidaient de moitié. J’ai eu une grosse pression d’Universal pour le modifier, mais je ne me suis pas laissé faire. Les Monty Python m’ont offert l’arrogance qui m’a permis de tenir. Le problème à Hollywood c’est que les films sont testés par des gens aux vies vides qui out à coup un pouvoir énorme sur une œuvre.

 

DON QUICHOTTE

Don Quichotte est l’histoire d’un échec, mais son secret c’est la résilience, il tombe et il arrive à reconquérir son rêve. Il faut devenir Don Quichotte pour raconter Don Quichotte. Mais contrairement à Orson Welles moi j’ai terminé mon film !

 

THE FISHER KING (1991)

The Fisher King est ma plus belle expérience de plateau. Importante aussi d’un point de vue de l’égalité hommes femmes. Maintenant on s’aperçoit que les femmes comptent au cinéma pourtant à cette époque, même si les femmes étaient omniprésentes dans les studios, ce que je trouvais formidable, ça ne se passait pas exactement de la meilleure façon. Pendant le tournage, je réalise que les deux actrices sont dans de toutes petites loges alors que les hommes, Robin Williams, Jeff Bridges et moi- même avions des loges incroyables. J’ai dit aux productrices : « faites en sorte que la loge soit aussi grande pour elles ». Elles ont refusé. J’ai donc demandé à avoir une loge aussi petite. Ça visiblement, c’était inacceptable. Elles leur ont donc finalement donné deux loges identiques aux nôtres. La conclusion : le système a prouvé que les femmes étaient modelées par le système et qu’elles pensaient comme les hommes de pouvoir. Or, si vous êtes au pouvoir, faites ça différemment !

 

L’ARMÉE DES 12 SINGES (1995)

J’ai reçu le scenario et l’ai trouvé fourni et rempli d’idées incroyables. Personne ne voulait le tourner. Je ne savais pas que les studios avaient déjà payé un million de dollars et qu’ils en voulaient pour leur argent. Pour le casting, j’étais très excité à l’idée d’avoir Bruce Willis, c’était une chance pour lui, acteur de films d’action aussi « extérieur » de s’intérioriser, et il aimait cette idée. Je lui avais parlé de la scène dans Piège de cristal où il marche pieds nus sur du verre cassé après que tout a été détruit autour de lui et qu’il se met à pleurer avec sa femme au téléphone. Il m’avait dit que l’idée de cette scène venait de lui. Ça montrait bien qu’il avait ça en lui.

 


Propos recueillis par Charlotte Pavard


 

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