Posté le 13.10.2024
Aussi charismatique et puissant qu’Alain Delon, avec lequel il joua dans Soleil rouge, Toshiro Mifune né en 1920, est encore aujourd’hui le comédien japonais le plus connu au monde.
Duel dans le Pacifique de John Boorman (1968) © Cinerama Releasing Corporation - ABC
Le torse toujours très droit, la gestuelle parti-culièrement précise, le regard très déterminé, Mifune semble toujours prêt à livrer bataille. Il faut dire que sa filmographie est constellée de grandes forces, celles de combattre perpétuellement un ennemi, qu’il soit intérieur ou extérieur. Ce qui compte semble-t-il, c’est réussir à se dépasser.
Grâce à des réalisateurs eux aussi prêts-à-tout, Mifune a enchainé une série grands films, tous très différents. Engagé à la demande de Lee Marvin, qui l’admirait, l’acteur japonais affronte le comédien américain dans Duel dans le Pacifique de John Boorman. A l’exception de La Vie d’O’Haru, femme galante de Kenji Mizoguchi, où il se bat avec une certaine ferveur pour vivre son amour avec une femme qui n’est pas de sa caste, Mifune embrasse surtout des rôles politiques et sociaux. Il y en aura une quinzaine sous la direction d’Akira Kurosawa, et la plupart, influencés par la pensée profonde de l’écrivain russe, Féodor Dostoïevski, pour des personnages qui se savent faillibles, prompts à se bagarrer pour tout, sans avoir peur de rien. Mifune se transforme alors pour Kurosawa en petit délinquant alcoolique dans L’Ange ivre, en médecin insatiable dans Barberousse, en combattant expert des Sept samouraïs, un affairiste ambitieux d’Entre le ciel et l’enfer… entre autres.
Barberousse d'Akira Kurosawa (1961)
Quand il ne tourne pas avec Kurosawa, c’est le cinéaste Hiroshi Inagaki, que Mifune choisit. Ils font plus d’une vingtaine de films ensemble. Des mélodrames populaires romanesques, dont L’Homme au pousse-pousse, ou La Légende de Musashi, où derrière les combats physiques rendus coup pour coup, Mifune incarne des hommes qui se jouent finalement des conventions, apprennent le courage, une vraie beauté de suivre son destin, malgré une grosse nervosité de caractère.
Comme souvent, les très grands acteurs font un petit tour du côté de la mise en scène. Mifune se mue pour une unique fois, en réalisateur avec L’Héritage des 500 000. Devant et derrière la caméra, il assure le rôle principal, celui d’un homme, la quarantaine, travaillant dans un bureau, qui se voit soudainement proposer un nouveau travail. Il s’agit en réalité d’être un rouage dans une affaire de trafic d’or. Mifune joue avec une angoisse saisissante et yeux cernés, l’aventurier tiraillé arme à la main dans ce film noir à la facture solide et classique. Un rôle supplémentaire qui a bâti sa légende de comédien au physique tendu et au regard intense.
V.A.
Les films présentés
L’Ange ivre d’Akira Kurosawa (Yoidore tenshi, 1948, 1h38)
Rashomon d’Akira Kurosawa (1950, 1h28)
La Vie d’O’Haru, femme galante de Kenji Mizoguchi (Saikaku ichidai onna, 1952, 2h17)
Les Sept samouraïs d’Akira Kurosawa (Shichinin no samurai, 1954, 3h27)
La Légende de Musashi d’Hiroshi Inagaki (Miyamoto Musashi, 1954, 1h38)
L’Homme au pousse-pousse d’Hiroshi Inagaki (Muhomatsu no issho, 1958, 1h44)
Yojimbo d’Akira Kurosawa (1961, 1h50)
Entre le ciel et l’enfer d’Akira Kurosawa (Tengoku to jigoku, 1963, 2h23)
Barberousse d’Akira Kurosawa (Akahige, 1965, 3h05)
Duel dans le Pacifique de John Boorman (Hell in the Pacific, 1968, 1h42)
Soleil rouge de Terence Young (1971, 1h55)
L’Héritage des 500 000 de Toshiro Mifune (Gojuman-nin no isan, 1963, 1h38)