Buena Vista Social Club

Prix Lumière : Wim Wenders / Documentaires

Du studio à la scène, en passant par les répétitions et les rues de La Havane, le portrait délicat des musiciens oubliés du son cubain, sous l’œil complice de Wim Wenders et du guitariste Ry Cooder.

 
Ry Cooder et Joachim Cooder dans Buena Vista Social Club (Allemagne/Etats-Unis 1998/99) de Wim Wenders
© Wim Wenders Stiftung 2014

En 1996, Ry Cooder et Nick Gold, patron du label britannique World Circuit, réunissent à La Havane les musiciens, pour beaucoup oubliés, de la scène son cubaine, afin d’enregistrer un album intitulé Buena Vista Social Club, du nom du club mythique de la ville. C’est en 1997, sur The End of Violence, dont il compose la bande originale, que Ry Cooder évoque à son ami Wim Wenders cet album et son projet de repartir à Cuba afin de produire l’album solo d’Ibrahim Ferrer, avec tous les musiciens du club. Un an plus tard, Wenders et une petite équipe s’envolent avec le musicien pour les Caraïbes.

Le travail documentaire de Wenders a depuis toujours valeur de mémoire, mettant sur le devant de la scène, avec attention et justesse, ses aînés, parfois ses maîtres. Buena Vista Social Club est bien dans cette veine. Devant ces "super-abuelos", il se met en retrait. Mais son œil est partout, saisissant les détails qui n’en sont finalement pas. Avec un art virtuose du montage, il navigue entre les continents (La Havane, Amsterdam et New York) et les ambiances (interviews, scènes de rue, de répétitions et de concerts). Il capte la joie de de ces phénix cubains de rejouer ensemble, de partager de nouveau leur musique - certains étaient en retraite depuis des années, contraints à des petits boulots alimentaires. Dans une tonalité sépia, en couleurs ou en noir & blanc, sans trop de nostalgie, Wenders filme ces oubliés de la révolution cubaine, personnages charismatiques et drôles. Il regarde également Cuba sans en faire le portrait, car pour lui, ce n’est pas le sujet. Le seul sujet, c’est ce qui l’a séduit dans cette musique : l’honnêteté, les émotions profondément ressenties. Selon Joachim Cooder, le fils de Ry, le son est cette musique « subtile, sereine, puissante ».

« Wenders demeure un compositeur d’images, mais dans ce film, il compose en mouvement aussi bien qu’en profondeur, et autorise sa caméra à flâner avec ses sujets. On ne trouvera peut-être pas de plus beau moment dans le cinéma cette année que l’exhibition de jolies gamines d’un cours de gymnastique rythmique qui sautent et pirouettent, en ayant la chance d’être accompagnées au piano par le prodigieux Ruben Gonzalez. Ce film est presque tout entier empreint d’une miraculeuse et ondoyante légèreté : la caméra est toujours en mouvement et pourtant, contrairement à ce qui se passe dans 99% des films influencés par l’esthétique du vidéo-clip, elle demeure merveilleusement sensible. » (Kent Jones, Cahiers du cinéma n°539, juin 1999)

Récompensé à de nombreuses reprises, le documentaire de Wim Wenders participera largement à la (re)naissance du phénomène Buena Vista Social Club.