Veille de Noël. Jenny Lamour (Suzy Delair), jolie chanteuse de cabaret, rêve de décrocher le contrat qui fera d’elle une vedette. Un jour, elle accepte l’invitation à dîner de Brignon (Charles Dullin), vieil homme d’affaires libidineux, qui doit lui présenter un metteur en scène. Découvrant ce rendez-vous, Maurice (Bernard Blier), son mari, aimant et jaloux, décide de se rendre chez Brignon. Ce soir-là, le vieil homme est retrouvé mort. L’inspecteur Antoine (Louis Jouvet) est chargé de l’enquête.
Après deux années d’interdiction de tourner, Henri-Georges Clouzot retrouve le chemin des studios avec Quai des Orfèvres, initialement intitulé Joyeux Noël. Son précédent film, Le Corbeau sorti en 1943, était devenu une affaire d’État à la Libération : alors qu’ils dénonçaient la collaboration, le cinéaste et le scénariste Louis Chavance étaient considérés comme des traîtres. Le film fut banni et Clouzot interdit de travail. Pour son retour, le cinéaste adapte de nouveau un roman de Stanislas-André Steeman – qu’il avait déjà porté à l’écran avec L’assassin habite au 21 (1942). Légitime défense est alors indisponible en librairie ; le cinéaste et son scénariste Jean Ferry l’adapteront à partir des bribes de souvenirs de Clouzot, en attendant de se procurer l’ouvrage… Une fois celui-ci en main, Clouzot se dira : « C’est drôle, ça n’a aucun rapport… » (préface de La Nuit du 12 au 13, Stanislas-André Steeman, Gallimard)
L’heure de la réhabilitation a sonné. Dans un Paris reconstruit en partie en studio (superbes décors de Max Douy), Clouzot décrit une faune pittoresque, des milieux interlopes, saisis dans l’atmosphère collante d’une neige de décembre.
La maîtrise du récit est totale, aucun personnage, aucune réplique ne sont inutiles. L’histoire criminelle est tenue de bout en bout, servie par des personnages et des dialogues ciselés (et des acteurs parfaitement dirigés), faisant découvrir une humanité un peu sordide mais fondamentalement attachante. Incroyable maîtrise, profonde noirceur.
« Ce style, cette maîtrise avec laquelle Clouzot a travaillé cette matière "romanesque" ne révèle pas seulement un virtuose du langage cinématographique. Clouzot n’est pas seulement un réalisateur. C’est un créateur qui accompagne son idée initiale, la conçoit en plans, en mots, en actions. S’il impose au film sa griffe et son climat, c’est parce qu’il sait où finir son chapitre, où mettre ses virgules, c’est qu’il "pense" son film comme un romancier pense son roman avant de l’écrire. » (Jean Desternes, Combat, s.d.). Avec ce film qu’il a voulu comme « un film criminaliste et non policier », auréolé du Grand Prix international de la mise en scène à Venise, le retour de Clouzot est triomphal. La composition de Jouvet – sa diction unique, sa démarche souple, son regard tranchant –, est quant à elle unanimement saluée, et l’on parle même de l’inspecteur Antoine comme l’un des plus grands rôles de la carrière de l’acteur.
Quai des Orfèvres
France, 1947, 1h45, noir et blanc, format 1.37
Réalisation Henri-Georges Clouzot
Scénario Henri-Georges Clouzot, Jean Ferry, d’après le roman Légitime défense de Stanislas-André Steeman
Dialogues Henri-Georges Clouzot
Photo Armand Thirard
Musique Francis Lopez, Albert Lasry
Montage Charles Bretoneiche
Décors Max Douy
Costumes Jacques Fath
Production Louis Wipf, Majestic Films
Interprètes Louis Jouvet (l'inspecteur Antoine), Bernard Blier (Maurice Martineau), Suzy Delair (Jenny Lamour), Simone Renant (Dora), Claudine Dupuis (Manon), Charles Dullin (Brignon), Jeanne Fusier-Gir (la dame du vestiaire), Pierre Larquey (Émile, le chauffeur), Gilberte Géniat (la concierge), Raymond Bussières (Albert), Dora Doll (Léa), Joëlle Bernard (Ginette), René Blancard (le chef de la P.J.), Jean Daurand (Picard), Robert Dalban (Paulo), Annette Poivre (la standardiste)
Présentation à la Mostra de Venise 8 septembre 1947
Sortie en France 3 octobre 1947
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