À toute épreuve / Hard Boiled

Invité d'honneur 2025 : John Woo

En 1997, quelques mois avant la rétrocession d’Hong Kong à la Chine, la ville est noyautée par les triades qui font régner le crime et la corruption. L’inspecteur Yuen (Chow Yun-Fat), surnommé Tequila, ambitionne de mettre fin à la suprématie des trafiquants d’armes. Il se rapproche d’un policier infiltré au sein des gangs (Tony Leung Chiu-wai).

Si À toute épreuve s’ouvre par un concert de jazz où l’inspecteur Yuen joue de la clarinette, la quiétude est de courte durée. Dans les minutes suivantes, un premier affrontement sanglant fait rage dans le cadre insolite d’un salon de thé rempli d’oiseaux en cage. Dès ce morceau de bravoure inaugural, John Woo témoigne de son inventivité pour filmer le chaos : sens aigu de l’espace, raccords fulgurants, zooms et panoramiques, bande-son pétaradante qui ne ménage aucun répit… Le carnage se transforme en ballet devant la caméra du réalisateur, qui évoque de manière surprenante l’influence des comédies musicales hollywoodiennes et de Jacques Demy.

Le scénario d’À toute épreuve s’inscrit dans un contexte historique troublé, et John Woo s’inspire des angoisses de son époque pour imaginer un avenir proche, qui verra Hong Kong revenir dans le giron de la Chine : « Quand j’ai commencé à écrire le script, on a vu proliférer les attaques de triades. En quelques mois, c’est toute notre société qui se trouvait dévorée de l’intérieur par une criminalité parfaitement organisée et totalement incontrôlable. […] Au même moment, les événements de la Guerre du Golfe m’ont orienté vers cet élément des trafiquants d’armes sans foi ni loi. » (in Cinémascope n°4, mai-juin 1995)

John Woo maintient une électricité permanente sur le tournage : en retard sur le planning, il contribue à créer sur le plateau un sentiment d’urgence, qu’il veut rendre sensible à l’écran. Au sommet de son art, il livre avec À toute épreuve un film d’action trépidant, où les dialogues s’effacent derrière une mise en scène sous tension constante. Ce film est le dernier réalisé par John Woo à Hong Kong, avant son départ pour les États-Unis, où sa carrière sera marquée par de nombreux succès, de Broken Arrow (1996) à Mission impossible 2 (2000), de Volte-face (1997) à Paycheck (2003).

« Le cinéma de Woo ne tombe jamais dans la pesanteur et la lourdeur démonstrative. Procédant par ellipses, l’intrigue se déroule sur un rythme haletant, à l’image d’une réalisation époustouflante de dynamisme qui multiplie les prouesses techniques, avec une maestria qu’illustre superbement un long plan-séquence de gunfight de plus de trois minutes. » (Philippe Ross, Le Mensuel du cinéma n°7, juin 1993)