Acte de violence

Fred Zinnemann, from here to eternity

Citoyen respecté et homme d’affaires estimé, Frank Enley (Van Heflin) mène une vie paisible dans une petite ville de Californie, en compagnie de son épouse Edith (Janet Leigh) et de leur fils. Une quiétude bientôt bouleversée par l’arrivée d’un certain Joe Parkson (Robert Ryan).

Dans le concert de louanges aux officiers revenus du front comme des héros, Acte de violence dénote et compte parmi les films les plus intéressants de Fred Zinnemann. Le scénario, basé sur une histoire du scénariste Collier Young (mari d’Ida Lupino, il fondera avec elle The Filmmakers, maison de production indépendante), mêle traumatismes des vétérans et film noir.

Dans cette chasse à l’homme, le bon Enley va-t-il tomber sous les balles de l’antipathique Parkson (Robert Ryan, « diaboliquement tendu » selon un critique du New York Times) ? Acculé, terrifié, Enley se dévoile : pilote lors de la Seconde Guerre mondiale, il a été fait prisonnier, avec toute son unité, par les Allemands. Il connait Parkson qui était son bombardier. Parkson et Enley sont les seuls survivants, suite à une trahison de ce dernier. Parkson l’estropié n’apparaît désormais plus comme un assassin en puissance mais comme un justicier. Enley sombre.

Acte de violence explore l’Amérique d’après-guerre, celle des banlieues tranquilles et des tréfonds mentaux. Car s’il s’attache au conflit entre deux hommes, c’est bien le conflit intérieur d’Enley qui décidera de la fin. Dans ce film noir sans apprêt, le jeu des comédiens est sans fioriture, à l’os. Le noir & blanc de Robert Surtees contraste la solaire Californie et la nuit des tueurs à gages.

« Act of Violence regorge de colère et de culpabilité. C'est le premier film noir d'après-guerre à remettre en question l'éthique des soldats au combat (Stalag 17 ne sortit que plusieurs années après). Enley (Van Heflin) est la proie d'un Parkson (Robert Ryan) visiblement instable, déterminé à détruire la vie tranquille de son ancien ami. Au début, le spectateur s'identifie à Frank Enley, un honnête citoyen qui incarne à merveille progrès et prospérité. Mais la ténacité de Parkson entame la résistance psychologique d'Enley et fait éclater au grand jour ses véritables états de service. […] Arraché au sanctuaire de sa paisible vie banlieusarde, Enley sombre dans les tréfonds de Dark City, au milieu des joueurs, des escrocs, des proxénètes et des putains. » (Eddie Muller, Dark City, le monde perdu du film noir, Clairac Éditeurs, 2015)