En France, durant le Moyen-Âge. Jeanne et Jean, un couple de paysans, s’aiment et se marient. Pauvres, ils ne peuvent s’acquitter de la taxe réclamée par le seigneur du village. Ce dernier décide de faire valoir son droit de cuissage et viole Jeanne. Détruite, elle convoque le Diable…
Belladonna. Une « belle femme » en italien, mais aussi cette plante hallucinatoire et mortelle, souvent associée à la magie noire. Et un titre évocateur pour un pur joyau de l’animation japonaise, longtemps resté invisible.
À la fin des années 60, Osamu Tezuka, père d’Astro et fondateur des studios Mushi, souhaite diversifier son public et produire des anime pour adultes. Dans cette mouvance, le cinéaste Eiichi Yamamoto signe la trilogie « Animerama », relecture de grands mythes composée des Mille et une nuits (1969) et Cléopâtre (1970). Belladonna en est le dernier volet, adapté de La Sorcière (1862), essai de l’historien français Jules Michelet, s’attachant à analyser la sorcellerie comme force de résistance face à l’emprise de l’Église et comme outil d’émancipation féminine.
Plastiquement, Belladonna est un choc visuel. D’une créativité hors norme, le film mélange les techniques : aquarelle, gouache, collage… Les dessins de Kuni Fukai empruntent à l’expressionnisme, à l’art nouveau, mais aussi au pop art de l’époque. L’animation est elle d’une rare audace, allant de l’épure d’une image fixe, à l’explosion d’une expérimentation flamboyante. Bercé de volutes, Belladonna balance entre poésie et abstraction. Radical, le film ne contourne pas la scène de viol, et en livre une vision symbolique d’une brutalité sourde : sous les assauts de son agresseur, le corps de Jeanne ouvert en deux, de l’entrejambe à la poitrine, libère une nuée de chauves-souris. Une vision qui choqua le public de la Berlinale.
Yamamoto voulait « une histoire d’un amour pur et pornographique ». Envisagé pour obtenir vengeance, le pacte diabolique passé par Jeanne lui fait retrouver la confiance en soi qu’on lui avait arrachée. De son corps réduit à néant ressurgissent l’émancipation, le désir sexuel et la jouissance, mais aussi un pouvoir chamanique de guérisseuse. En quête de droits, elle risque d’entraîner avec elle le peuple dans ses revendications : défiant l’ordre établi, elle devient dangereuse.
« Le pré-féminisme du livre de Michelet est préservé: l'Inquisition apparaît comme un gynécide orchestré par une classe masculine affaiblie par les guerres et voyant monter le pouvoir des femmes. Ce discours, accordé au Women's Lib de l'époque, n'a rien perdu de sa virulence. Il s'accompagne d'une forme psychédélique éblouissante : le corps de la sorcière devient le terrain de toutes les métamorphoses, laissant échapper un geyser de sang se muant en vol de chauves-souris ou transfiguré par une extase menaçant d'embraser le monde. » (Stéphane du Mesnildot, Cahiers du cinéma n°719, février 2016)
Belladonna (Kanashimi no Beradonna)
Japon, 1973, 1h26, int -12ans, couleurs, format 1.33
Réalisation Eiichi Yamamoto
Scénario Eiichi Yamamoto, Yoshiyuki Fukuda, d’après l’essai La Sorcière de Jules Michelet
Direction artistique Kuni Fukai
Photo Shigeru Yamazaki
Montage Masashi Furukawa
Animation Gisaburo Sugii
Musique Masahiko Sato, Mayumi Tachibana ; Asei Kobayashi
Production Osamu Tezuka, Mushi Production, Nippon Herald Films
Présentation à la Berlinale 27 juin 1973
Sortie au Japon 30 juin 1973
Sortie en France 7 mai 1975
Restauration 4K.
Remerciements au distributeur Eurozoom
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