Black Swan

Invitée d'honneur 2025 : Natalie Portman

Nina (Natalie Portman) est danseuse dans un ballet new-yorkais. Après s’être séparé de Beth (Winona Ryder), sa danseuse étoile, le chorégraphe Thomas Leroy (Vincent Cassel) offre à Nina le premier rôle du Lac des cygnes. À l’unique condition que celle-ci danse aussi bien le Cygne noir que le Cygne blanc. Bonne élève, Nina est poussée dans ses retranchements…

Plongée dans le monde de la danse classique et dans la psyché de Nina. Alors auteur, entre autres, de Requiem for a Dream (2001) ou The Wrestler (2008), l’indépendant Darren Aronofsky aborde avec Black Swan les thèmes "classiques" du double et du miroir, pour les sublimer et signer un thriller de pure terreur, sensitif et habité.

Le Lac des cygnes est peut-être le ballet classique le plus connu, le Graal pour le personnage de Nina, l’avènement de sa carrière et le fruit d’un travail sans relâche. Mais sa perfection technique, presque froide et désincarnée, lui est désormais reprochée par un directeur de ballet aussi manipulateur que narcissique. Face à la concurrence et devant la pression psychologique, Nina perd pied.

Aronofsky développe le double rôle schizophrénique : le cygne blanc, pur, et le cygne noir, organique et destructeur. Le film est également un ballet de doubles féminins de Nina : sa mère castratrice, emplie de frustration professionnelle ; Beth, l’étoile déchue ; et Lily, la rivale, autant désirée que redoutée. Film symbolique mais aussi initiatique, Black Swan, tel un conte gothique, sonde le passage du statut d’enfant (la chambre de petite fille emplie de peluches) à celui de femme désirante et sexuée.

Aronofsky travaille la texture de ses images, agite sa caméra, faisant éprouver l’instabilité de sa danseuse, donnant vie à ses fantasmes et hallucinations. Ses raccords rapides, ses cuts, font sursauter le spectateur. Impossible de démêler le vrai du faux, le malaise est sensible et fascinant.

Et il y a Natalie Portman qui trouve ici un de ses plus grands rôles. Après près d’une année de travail, de répétitions dans les studios de danse aux côtés du danseur et chorégraphe Benjamin Millepied, elle est Nina. Dans ce délire hallucinatoire, elle convoque la souffrance physique, le corps qui se déforme, l’esprit qui vrille, jusqu’au sacrifice ultime. Une incarnation récompensée par les Golden Globe et Oscar de la meilleure actrice.

« [Nina] est investie d'un travail qui est une torture et elle accouche d'un monstre. Le «black swan» que les gens applaudissent à tout rompre est en réalité le monstre qu'elle est devenue. Ce n'est donc pas par plaisir sadique ou goût de la manipulation qu'Aronofsky filme cette descente aux enfers. Il a une vraie obsession, qui lui tient à cœur, et qui le pousse à filmer : la quête de la perfection. […]  Lorsque Nina atteint le «black swan », dans le plan inouï de la métamorphose en cygne noir, elle n'atteint pas le mal, la face obscure, décomplexée – elle atteint une extase. » (Stéphane Delorme, Cahiers du cinéma n°664, février 2011)