Chambre avec vue

Grands films sur grand écran

1907. Lucy Honeychurch (Helena Bonham Carter), jeune Anglaise de bonne famille, est en villégiature à Florence. Elle est accompagnée par une vieille cousine, Charlotte Bartlett (Maggie Smith), pointilleuse et rigide, qui endosse le rôle de chaperon. L'air de la Toscane trouble Lucy. D'autant plus qu'un événement dramatique va bouleverser sa vie : elle est témoin d'un meurtre et s'éprend du jeune Anglais qui y assiste avec elle. C'est George Emerson (Julian Sands). Mais les Emerson ont mauvaise réputation : libres penseurs, en marge de la bourgeoisie traditionnelle, on ne les trouve pas "convenables".

 © Goldcrest Films International

James Ivory, cinéaste américain à l’œuvre délicatement britannique, forme avec le producteur Ismail Merchant et la scénariste et romancière Ruth Prawer Jhabvala un trio de longue date. Avec Chambre avec vue, il porte à l’écran une œuvre de jeunesse de Forster, écrite dans sa vingtaine. Ivory retrouvera quelque temps plus tard les romans de Forster pour Maurice (1987) et Retour à Howards End (1992).

Dans une Angleterre corsetée où un simple manque à l’étiquette prend les allures d’un incident diplomatique, Ivory conte les amours contrariés de la jeune Lucy. Alors que l’époque victorienne peine à rendre son dernier souffle, les conventions lui imposent de faire un beau mariage. George Emerson, libre penseur de père en fils, ne peut être la bonne personne. On lui préfère l’ennuyeux et snob Cecil Vyse. Mais Lucy, qui, le temps d’une parenthèse florentine, a goûté à une vie plus heureuse, va effectuer sa révolution sentimentale.

James Ivory réalise une adaptation fidèle, dans les règles de l’art. Son classicisme est assumé puisque particulièrement ajusté. Il donne vie au roman, avec élégance et délicatesse, tout en faisant la peinture d’un été italien incandescent.

« James Ivory a fait du roman de Forster une œuvre intelligente, dont les couleurs pastel et les propos feutrés voilent avec subtilité la révolte de l'héroïne devant un choix qui d'abord lui échappe, mais qu'elle assume entièrement en fin de compte. […] Les décors, les climats, les couleurs du temps y sont essentiels: James Ivory s'est révélé définitivement par ce film comme le cinéaste des variations du cœur et du temps. Son œuvre est en effet ce baromètre délicat et poétique qui donne, au millibar près, les prévisions d'orage et de grand soleil, des nuages de chaleur et de poussière, des ondées passagères et des bouffées d'air frais... » (François-Régis Barbry, Cinéma n°425, janvier 1988)