Collatéral

Michael Mann : Prix Lumière 2025

Max (Jamie Foxx) est chauffeur de taxi à Los Angeles. Sa routine bascule un soir lorsque Vincent (Tom Cruise), homme à l’allure de businessman, monte dans sa voiture et lui demande s’il peut le conduire toute la nuit, afin de se rendre à cinq rendez-vous en ville. Max ne tarde pas à réaliser que Vincent est un tueur à gages. Il se retrouve pris en otage par son client…

Après Ali, Michael Mann développe le script de The Aviator, la biographie de Howard Hughes, mais préfère au final s’en tenir à un rôle de producteur et confie la réalisation à Martin Scorsese. Il souhaite de son côté retrouver le champ de la fiction pure, s’éloigner de récits basés sur des faits réels. Le scénario de Collatéral, écrit par Stuart Beattie, retient son attention par son intensité dramaturgique, son action resserrée sur une seule nuit, ses personnages complexes aux tempéraments opposés. Le cinéaste transpose l’intrigue à Los Angeles, qu’il désire filmer de nuit, et transforme ce polar en poème urbain, où l’architecture revêt une importance majeure.

Filmant la ville tel un peintre travaillant sa palette, Michael Mann tourne en vidéo numérique haute définition et se réjouit de ce nouveau champ d’expérimentation visuelle : « Vous voyez ce ciel bleu ? Je pouvais décider sur le champ qu’il était trop bleu, ajouter du magenta, ou au contraire remplacer les rouges par du cyan, et tout cela à l’intérieur même de la caméra. On peut capter des couleurs qu’on ne voit même pas à l’œil nu, par exemple la couleur abricot de l’air. » (Positif n° 524, octobre 2004) Dans Collatéral, Los Angeles apparaît comme un décor fantastique, que Max et Vincent traversent du crépuscule à l’aube, dans une sorte de rêve éveillé. Le film s’avère riche en visions marquantes, à l’instar de cette scène où un coyote traverse la rue de façon majestueuse, indifférent au monde civilisé qui l’entoure.

Loup solitaire, professionnel sans état d’âme, Vincent est interprété par un Tom Cruise aux cheveux poivre et sel, le regard froid et calculateur. Sa détermination inquiétante tranche avec l’humanité de Max, à qui Jamie Foxx prête une grande profondeur. Leur relation étrange forme le cœur battant d’un film au rythme musical, alternant pauses et accélérations, dialogues existentiels et brusques éclats de violence.

« Chacun à leur manière, Max et Vincent sont des ombres, des fantômes que la ville garde prisonniers, preuve que Los Angeles est finalement le véritable protagoniste du film. La ville immense, la ville qui trouble tout, la ville dont les lampadaires et les routes qui se croisent et se recroisent ne servent à rien d’autre qu’à absorber l’âme des hommes qui y circulent plus qu’ils ne vivent. » (Aubry Salmon, in Michael Mann – Horizon bleu, Collectif, Rockyrama, 2023)