Sénégal, 1938. Dans la petite ville coloniale de Bourkassa, Lucien Cordier (Philippe Noiret) est un policier raillé pour sa lâcheté et sa faiblesse de caractère. Il ne trouve de réconfort que dans les bras de son amante, Rose (Isabelle Huppert). Un jour, las d’être la risée de tous, Lucien se rebiffe. En redresseur de torts, il orchestre une série de crimes.
Film inclassable et grinçant sur la comédie humaine, Coup de torchon est l’adaptation de 1 275 âmes du grand Jim Thompson. Symbolique numéro 1 000 de la Série Noire de Marcel Duhamel, le roman est « un réquisitoire contre toutes les vacheries du monde », comme l'écrit le directeur de la collection dans sa préface. Écrivain des vies ratées et de la solitude tenace, Thompson mêle violence, bouffonnerie et humour noir dans ce roman au pessimisme fiévreux. Avec fidélité à l'esprit plus qu'à la lettre, Bertrand Tavernier récupère l’univers décapant de Thompson. Par un jeu d’équivalence, cher au scénariste Jean Aurenche, la bourgade du sud des États-Unis du roman laisse place à un village africain colonisé, rongé par la bêtise, le racisme et l’hypocrisie.
En justicier débonnaire, Philippe Noiret entame sa ronde diabolique, investi d’une mission : « Tuer un être nuisible, c’est comme qui dirait un devoir civique, un acte de charité ». Si la morale est sombre, le ton, provocateur, démesuré, est jouissif.La mise en scène physique et le recours quasi systématique à la steadycam déstabilisent, accroissent ce sentiment de flottement recherché par Tavernier, comme une représentation formelle du monde chancelant de Thompson.
« Un mouvement perpétuel entraîne les personnages, livrés à leurs instincts sans retenue. [...] Les dialogues drôles, incisifs, cruels et parfois d’une verdeur inouïe, soutiennent par leurs envolées verbales le grouillement, relevé par la mise en scène, d’êtres dérisoires et responsables de leur propre perte. […] Si, dans la fidélité à Jim Thompson, le film apporte un trouble profond, un dérangement, il a, aussi, un aspect tonique : en dehors des modes et des genres consacrés, il contribue très largement, par son inspiration et son style, au renouveau du cinéma français. » (Jacques Siclier, Le Monde, 6 novembre 1981)
En 1976, Isabelle Huppert avait travaillé avec Bertrand Tavernier pour Le Juge et l’assassin. Avec Coup de torchon et le personnage de Rose, le cinéaste lui offre un rôle à contre-emploi, vif et extraverti, dans lequel elle excelle, assenant les répliques grivoises et bien senties avec une facilité déconcertante : « C’est une extraordinaire comédienne mélodique, musicale, mais il n’y a aucune raison pour la faire jouer tout le temps adagio. Elle peut jouer staccato, être vive et rapide. J’adore son rire, dans la vie, et c’est pour ça que j’ai écrit le rôle pour elle. » (Bertrand Tavernier)
Coup de torchon
France, 1981, 2h08, couleurs, format 1.66
Réalisation Bertrand Tavernier
Scénario Jean Aurenche, Bertrand Tavernier, d’après le roman 1 275 âmes de Jim Thompson
Photo Pierre-William Glenn
Musique Philippe Sarde
Montage Armand Psenny
Décors Alexandre Trauner
Costumes Jacqueline Moreau
Production Henri Lassa, Adolphe Biezzi, Les Films de la Tour, Films A2, Little Bear
Interprètes Philippe Noiret (Lucien Cordier), Isabelle Huppert (Rose Mercaillou), Jean-Pierre Marielle (Le Péron / le frère de Le Péron), Stéphane Audran (Huguette Cordier), Eddy Mitchell (Nono), Guy Marchand (Marcel Chavasson), Irène Skobline (Anne), Michel Beaune (Vanderbrouck)
Sortie en France 4 novembre 1981
Restauration Studiocanal, réalisée par l’Image Retrouvé, avec le soutien du CNC.
Remerciements au distributeur Tamasa et à Studiocanal
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