Deburau

Lumière Classics & Nouvelles restaurations

En 1839, le célèbre mime Jean-Gaspard Deburau (Sacha Guitry) charme les foules et triomphe avec son nouveau spectacle au Théâtre des Funambules à Paris. Il se sépare de son épouse par amour pour Marie Duplessis (Lana Marconi) mais celle-ci finit par lui préférer Armand Duval (Jean Danet) et le quitte. Amer, Deburau attend pendant des années le retour de sa maîtresse, seul avec son fils Charles (Michel François).

Deburau est avant tout une pièce de théâtre, écrite par Sacha Guitry, jouée pour la première fois en 1918 au Théâtre du Vaudeville et présentée comme une comédie en quatre actes et un prologue. Sacha Guitry la reprend en septembre 1950 au Théâtre du Gymnase et tient de nouveau le rôle-titre. Âgé de 65 ans, il a derrière lui une carrière prolifique d’auteur dramatique, ayant signé plus de cent pièces. Depuis le milieu des années 30, il est aussi passé avec succès au cinéma. Travailleur acharné, Sacha Guitry ne cesse jamais son activité, malgré ses nombreux problèmes de santé. Il doit malgré tout arrêter les représentations de Deburau le 23 novembre 1950, les médecins lui imposant de subir une opération d’urgence. Gravement diminué, Sacha Guitry décide pourtant, comme il l’a déjà fait à de multiples reprises, de tirer un film de sa pièce, afin d’en laisser une trace. Le tournage ne dure que douze jours et le cinéaste reprend fidèlement le texte, écrit en vers.

En 1945, le mime Deburau a été incarné de façon inoubliable par Jean-Louis Barrault dans Les Enfants du paradis de Marcel Carné. Dans la peau de l’artiste, Sacha Guitry offre une interprétation tout à fait différente, qui revêt une dimension personnelle évidente. Le film présente un aspect quasi testamentaire, le récit confrontant Deburau à l’usure du temps et à sa propre finitude : suite à des prestations désastreuses, il doit renoncer à exercer plus longtemps son métier et accepter de le transmettre à son fils. Maquillé en Pierrot, Sacha Guitry apporte beaucoup d’émotion à ce passage de relais, qui confère à Deburau une tonalité mélancolique.      

« La mort rôde, inévitable, familière. Le génie de Guitry, ici, c’est de ne jamais jouer le mime. Pas de trémoussements, aucun effet de jambe. L’homme est seul, meurtri. Tout est dans la blancheur du visage, cette pâleur qui ne veut pas partir. Derrière la porte, le secret. Derrière la craie, le souvenir d’un ou deux gestes impossibles, à jamais gelés. » (Louis Skorecki, Libération, 17 avril 1998)