En 1944, un officier de marine japonais (Toshiro Mifune) vit seul dans une petite île du Pacifique depuis que son navire a coulé. Un matin, il découvre un pilote américain (Lee Marvin) parvenu sur le rivage dans un canot de sauvetage. Les deux hommes se toisent, se méfient l’un de l’autre, cherchent des stratagèmes pour s’accaparer l’eau et protéger leur maigre pitance. Une lutte acharnée s’engage.
Un territoire vierge, deux ennemis, la guerre au loin. Avec Duel dans le Pacifique, John Boorman choisit volontairement l’épure pour mieux se concentrer sur la relation tendue entre ses protagonistes. Nulle autre silhouette en vue, aucune intervention extérieure. La soif, la faim et la rage de survivre constituent jusqu’au bout les principaux moteurs guidant le comportement des naufragés. Le spectateur ne saura rien de leur passé, de leur identité, de leur vie personnelle.
En dépouillant le récit de toute psychologie superflue, le cinéaste atteint une forme d’abstraction, réduisant l’officier japonais et le pilote américain à des corps livrés à eux-mêmes, conduits par des instincts primaires. Leur obédience à deux armées rivales ainsi que la barrière linguistique rendent tout rapprochement impensable, et Boorman ne laisse pas croire qu’une amitié puisse naître entre ces deux êtres qui gagneraient pourtant à surmonter leur antagonisme. Si la construction d’un radeau offre un semblant de fraternité, cette union reste fragile et de pure circonstance.
Sans dialogues ou presque, le scénario permet au réalisateur de mettre à l’épreuve son talent visuel. Filmé sous une lumière étouffante, le décor paradisiaque se transforme en prison à ciel ouvert, dont Boorman exploite chaque recoin. La mer, la plage et la forêt sont autant d’espaces de joute pour les deux comédiens. Avec sa présence massive et sa force naturelle, Lee Marvin offre un contrepoint idéal à Toshiro Mifune, qui joue sur un registre plus rapide et nerveux. Leur affrontement à l’écran est aussi celui d’acteurs en pleine maîtrise de leur art, que Boorman se plaît à diriger.
« Je découvris à la fin que pour ce genre de film un script écrit n’avait pratiquement aucun intérêt. Il n’avait qu’une valeur informative. Ce qui était important, c’était de travailler avec les acteurs, de s’amuser, d’essayer les scènes. » (John Boorman, Positif n°109, octobre 1969)
Duel dans le Pacifique (Hell in the Pacific)
États-Unis, 1968, 1h42, couleurs, format 2.35
Réalisation John Boorman
Scénario Alexander Jacobs, Éric Bercovici, d’après une histoire de Reuben Bercovitch
Photo Conrad Hall
Musique Lalo Schifrin
Montage Thomas Stanford
Décors Makoto Kikuchi
Production Reuben Bercovitch, Selmur Productions
Interprètes Lee Marvin (le pilote américain), Toshiro Mifune (le capitaine Tsuruhiko Kuroda)
Sortie aux États-Unis 18 décembre 1968
Sortie en France 27 août 1969
Remerciements au distributeur Park Circus
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