Self-made-man et actionnaire d’une grande fabrique de chaussures, Kingo Gondo (Toshiro Mifune) décide de rassembler tous ses biens pour racheter les actions nécessaires pour devenir majoritaire. C’est alors qu’on lui apprend qu’on a enlevé son fils et qu’une rançon est exigée. Mais second coup de théâtre, c’est le fils de son chauffeur qui a été enlevé…
Inspiré du roman d'Ed McBain Rançon sur un thème mineur (paru dans la collection "Un Mystère"), Entre le ciel et l’enfer, présente par le biais de son interprète Toshiro Mifune, un nouvel aspect du film noir : la victime. L’acteur avait jusque-là incarné pour Kurosawa les deux autres figures-clés du genre : le gangster dans L’Ange ivre et le policier dans Chien enragé (1949).
Le film est véritablement scindé en deux parties. Tout d’abord, un huis clos dans la maison de l’industriel, sur les hauteurs de la ville. L’interrogation morale est posée : cet homme doit-il se ruiner pour l’enfant d’un autre ? Kurosawa fouille au plus profond des angoisses, menant une réflexion sur le sens du sacrifice. Et c’est la scène clé du film – Gondo, ouvrant la fenêtre de la villa au petit matin, (re)découvre les bas-fonds de la ville – qui fait basculer le film dans sa seconde partie : la traque du criminel. Kurosawa fait alors descendre le spectateur dans la ville, la vraie, les quartiers déshérités, moites… Le film policier commence.
L’évolution du film est parallèle à l’évolution du personnage de Gondo incarné par Mifune, à qui le comédien donne une complexité morale : « Fortement égocentrique dans les premières séquences, il va être obligé de se pencher sur les autres, de revenir à la condition de ses débuts, et de pénétrer dans un univers urbain qui auparavant lui était totalement étranger. Mais il reste toujours au centre d’un capitalisme industriel. » (Hubert Niogret, Positif n°132, novembre 1971) Avec Entre le ciel et l’enfer, Kurosawa s'interroge sur la morale et le capitalisme. Le film est d'une beauté plastique époustouflante, et sa mise en scène virtuose (telle la scène du train). C'est un film sur la recherche du double, ce criminel qui, dans un geste de révolte, décide de ruiner l’homme dont la maison sur les hauteurs de la ville est pour lui une provocation. Un film enfin sur la confrontation de deux mondes. Mais comme le souligne Yann Tobin, à propos de la scène de la prison : « Un rideau s’abaisse entre les deux hommes, et une vitre ne renvoie à Gondo que son propre reflet. […] Le ciel et l’enfer n’ont pas pu communiquer. » (Positif n°461-462, juillet-août 1999)
Entre le ciel et l’enfer (Tengoku to jigoku)
Japon, 1963, 2h23, noir et blanc, format 2.35
Réalisation Akira Kurosawa
Scénario Akira Kurosawa, Ryuzo Kikushima, Hideo Oguni, Eijiro Hisaita, d’après le roman Rançon sur un thème mineur d’Ed McBain
Photo Asakazu Nakai, Takao Saito
Musique Masaru Sato
Montage Akira Kurosawa
Décors Yoshiro Muraki
Costumes Miyuki Suzuki
Production Ryuzo Kikushima, Tomoyuki Tanaka, Akira Kurosawa, Toho, Kurosawa Production
Interprètes Toshiro Mifune (Kingo Gondo), Kyoko Kagawa (Reiko), Tatsuya Mihashi (Kawanishi), Tatsuya Nakadai (l'inspecteur Tokura), Takashi Shimura (le chef de la police), Susumu Fujita (le commissaire), Kenjiro Ishiyama (Taguchi), Isao Kimura (le policier Arai), Takeshi Kato (le policier Nakao), Tsutomu Yamazaki (Ginji Takechi), Yutaka Sada (Aoki), Koji Mitsui (le journaliste)
Restauration 4K Toho
Remerciements au distributeur Carlotta Films
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