Étoiles

Konrad Wolf, splendeurs du cinéma est-allemand

En 1943, dans un village bulgare occupé par les troupes nazies, Walter (Jürgen Frohriep), un sous-officier allemand, est chargé de surveiller un atelier de réparation où travaillent des civils. Un jour arrive un convoi de déportés juifs grecs, en transit vers Auschwitz. Walter se lie avec l’une des prisonnières, Ruth (Sasha Khrusharska), une enseignante dont il tombe amoureux. Il décide de lui apporter son aide.

Cinquième long métrage de Konrad Wolf, Étoiles a été écrit par le scénariste bulgare Angel Wagenstein, qui puise ici dans ses propres souvenirs. Durant la guerre, il a été interné dans un camp de travail, a réussi à s’évader puis a rejoint les rangs des partisans. Son récit se focalise sur la transformation d’un sous-officier allemand, dont les sentiments vont réveiller la conscience morale. Au départ, Walter est un homme passif face aux ordres qu’il reçoit : il porte un regard amer sur la folie humaine et se réfugie dans la peinture, comme s’il pouvait s’abstraire de la réalité qui l’entoure. La rencontre avec Ruth, dont la dignité le bouleverse, le confronte à sa lâcheté. En l’accusant de ne rien faire pour empêcher l’horreur qui se joue devant lui, elle lui ouvre les yeux sur la barbarie dont il est complice et le pousse à refuser l’inaction.

Angel Wagenstein propose à Konrad Wolf, qui fut son camarade d’études à Moscou, d’assurer la mise en scène d’Étoiles. Le cinéaste prépare avec soin le tournage et dessine le film plan par plan afin de partager, dans le moindre détail, sa vision avec ses collaborateurs. La photographie fait la part belle aux visages et ménage des respirations, notamment lors de deux scènes à la tonalité plus intime, où Ruth et Walter cheminent ensemble dans la nuit, partageant leurs pensées sous la surveillance d’un garde.

Étoiles démarre par sa fin et s’inscrit d’emblée sous le signe de la tragédie : Ruth ne sera pas sauvée et part vers une mort certaine, sous le regard perdu de Walter. Konrad Wolf est l’un des premiers cinéastes allemands à traiter frontalement le sujet de l’Holocauste. Récompensé par un prix du jury au Festival de Cannes, Étoiles se conclut par un chant yiddish qui rappelle la nécessité de rester vigilant face au fascisme : « Ça brûle, petits frères, ça brûle. / Hélas, notre pauvre petite ville brûle… / Et vous restez là, vous regardez faire / Les bras croisés… / Hélas il pourrait venir le moment / Où notre ville et nous tous ensemble / Disparaîtrions dans les cendres… »  

« Réagissant avec vigueur contre les œuvres figées de l’ère stalinienne, Étoiles est avant tout un film qui voit les choses en face, encourage à la confiance et donne envie d’agir. » (Raymond Borde, Freddy Buache & Francis Courtade, Le cinéma réaliste allemand, Serdoc, 1965)