Dans les années 30, en pleine guerre entre la Chine et le Japon, Harumi (Yumiko Nogawa) se rend en Mandchourie où elle va travailler comme prostituée sur le front. Brutalisée par Narita (Isao Tamagawa), un officier sadique, elle tombe amoureuse de Mikami (Tamio Kawachi), son jeune subalterne.
Après La Barrière de chair, Seijun Suzuki adapte une nouvelle fois un roman de Taijiro Tamura, déjà porté à l’écran en 1950 par Senkichi Taniguchi sous le titre Le Déserteur de l’aube, dont Akira Kurosawa avait coécrit le scénario. Continuant à explorer l’histoire récente de son pays, Seijun Suzuki revient dans Histoire d’une prostituée sur l’occupation japonaise de la Mandchourie et livre une charge pacifiste, fustigeant à la fois l’expansionnisme impérial, le sort réservé aux femmes durant le conflit et le vain sacrifice des soldats, utilisés comme de la chair à canon au nom de la défense d’un idéal patriotique.
Résolument antimilitariste, Histoire d’une prostituée critique de façon virulente une armée fanatisée, basée sur l’esprit de discipline et un code d’honneur immuable. Dans ce tableau sombre, Harumi est un personnage fort et courageux, qui ose exprimer son désir et sa révolte, dans un univers masculin où elle est traitée sans aucune considération. Sur le plan formel, Seijun Suzuki délaisse les couleurs éclatantes de La Barrière de chair pour un noir & blanc qui accentue le ton pessimiste du récit. Les grandes plaines de Mandchourie, battues par les vents et saisies en Cinémascope, sont filmées comme un désert froid, où l’amour ne saurait trouver de place. La mise en scène du cinéaste se fait ici plus sobre que dans ses œuvres précédentes, collant à la gravité du propos. Seijun Suzuki se permet toutefois de beaux moments de bravoure, telle cette scène fulgurante où Harumi traverse le champ de bataille : bravant le danger pour retrouver son amant Mikami, elle court dans les tranchées sous les fusées d’artillerie, qui remplissent l’écran de lumière et de fumée.
« De nouveau, Suzuki montre comment une énergie planifiée, ici par les militaires et le mythe impérial, peut être transformée en énergie sexuelle par la rencontre de deux êtres "purs" à leur façon. Toujours homme d’images, Suzuki exprime ce désir sexuel par des séquences magnifiquement oniriques, où la théâtralisation de la mise en scène est constamment assumée par un fantastique travail de caméra. » (Max Tessier, Le Cinéma japonais au présent, Lherminier, 1980)
Histoire d’une prostituée (Shunpu den)
Japon, 1965, 1h36, noir et blanc, format 2.35
Réalisation Seijun Suzuki
Scénario Hajime Takaiwa, d’après un roman de Taijiro Tamura
Photo Kazue Nagatsuka
Musique Naozumi Yamamoto
Montage Akira Suzuki
Décors Takeo Kimura
Production Kaneo Iwai, Nikkatsu
Interprètes Tamio Kawachi(Shinkichi Mikami), Yumiko Nogawa (Harumi), Isao Tamagawa (Narita), Shoichi Ozawa (Akiyama), Tomiko Ishii (Yuriko), Kotoe Hatsui (Tsuyuko), Kazuko Imai (Sachiko), Kaku Takashina (Makita)
Sortie au Japon 28 février 1965
Ressortie au premier semestre 2026 par Carlotta Films
Remerciements au distributeur Carlotta Films
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