Hombre

Martin Ritt, un cinéaste engagé à Hollywood

Arizona, 1884. John Russell (Paul Newman), dit « Hombre », est un homme blanc qui a grandi parmi les Apaches et a épousé leur cause. À la mort de son tuteur, il hérite d’un petit hôtel qu’il troque contre des chevaux. Devant rejoindre la ville, il effectue un voyage en diligence avec d’autres passagers, dont Alexander Favor (Fredric March), gestionnaire d’une réserve indienne, et son épouse Audra (Barbara Rush). Leur convoi est attaqué par des bandits qui veulent mettre la main sur une somme d’argent frauduleusement détournée par Favor.

Le teint mat, arborant une longue chevelure, le front ceint d’un bandeau, mais toujours reconnaissable à son regard bleu magnétique : pour sa sixième et dernière performance devant la caméra de Martin Ritt, Paul Newman apparaît dans l’ouverture de Hombre sous un jour nouveau. Il endosse ici l’identité d’un héros à la culture métissée : né avec la peau blanche mais élevé comme un Indien, il garde toujours à l’esprit sa communauté de cœur. Solitaire et mutique, d’apparence impassible, John Russell s’impose comme un personnage atypique, dont la profondeur se heurte à la mentalité étroite de ses concitoyens. Dans la diligence qui les conduit à travers le désert, il suscite l’indignation de ses compagnons de route en prenant haut et fort la défense des Indiens. Le petit groupe refuse de partager l’habitacle avec lui et le somme de passer le reste du trajet avec le cocher. Traité comme un paria, il se révélera pourtant indispensable à leur salut.

Adaptant un roman du prolifique auteur Elmore Leonard, Irving Ravetch et Harriet Frank Jr. poursuivent leur fidèle collaboration avec Martin Ritt et lui concoctent une trame qui résonne avec ses convictions politiques. Hombre renvoie la société américaine à ses contradictions, dénonce le profit effectué sur le dos des opprimés, pointe les injustices à l’œuvre dans l’étouffement des minorités autochtones, parquées dans des réserves. Aucun message n’est cependant assené et la réussite du film tient avant tout à sa mise en scène enlevée, sans dialogues superflus, faisant la part belle aux situations et aux rapports de force qui se nouent entre les protagonistes. Reprenant tous les codes du western classique, l’intrigue rappelle par endroits La Chevauchée fantastique de John Ford et frappe par l’acuité de son propos.

« Il n’y a pas – dans Hombre – une seule recherche de l’effet : l’écriture de Martin Ritt, sa direction d’acteurs partent d’une profonde nécessité ; on y découvre comme chez John Ford des caractères, et un sens remarquable du suspense à froid. » (Henry Chapier, Combat, 30 mai 1967)