In Another Country

Prix Lumière : Isabelle Huppert

Dans un pays qui n’est pas le sien, une femme (Isabelle Huppert) qui n’est à la fois ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, a rencontré, rencontre et rencontrera au même endroit les mêmes personnes qui lui feront vivre à chaque fois une expérience inédite.

« Il n’y a pas de vouloir-dire dans le cinéma de Hong, de volonté de porter un message. Mais il y a des mouvements du cœur, élans du corps qui fluent et refluent sans cesse comme la mer sur le sable. » (Jean-Baptiste Morain, Les Inrockuptibles, 17 octobre 2012)

Dans la petite ville balnéaire de Mohang, fuyant avec sa mère des problèmes financiers, une jeune étudiante en cinéma écrit le scénario d’un court métrage inspiré de ce qui l’entoure, où trois histoires, comme autant de contes universels, mêlent les mêmes personnages. Un : Anne est une réalisatrice française reconnue, venue rendre visite à son ami coréen, également réalisateur. Avec lui et sa femme enceinte, elle part à Mohang. Deux : Anne est mariée à un Français. Avec Munsoo, son amant, réalisateur, elle va à Mohang. Trois : Anne voit son mari la quitter pour une Coréenne. Pour se consoler, elle se rend à Mohang avec une amie.

Retrouvant des motifs familiers (le marivaudage amoureux, l’ivresse, les personnages qui évoluent dans le milieu du cinéma…) mais aussi son acteur fétiche (Yu Jun-sang), Hong Sang-soo signe un film poétique, vif, aux accents surréalistes et à la construction complexe. Si dans ce triptyque chaque histoire est autonome, on perçoit cependant l’évolution d’Anne, personnage multiple interprété par Isabelle Huppert. Dans ce film qui brouille les pistes et verse dans un climat onirique, lunaire, elle est tour à tour radieuse, un peu fantasque ou bien mélancolique.

Tournant en moins de quinze jours avec une équipe réduite, Hong Sang-soo écrit le script tous les soirs et le fait découvrir à ses comédiens le matin, une technique qui rappelle à Isabelle Huppert celle de Godard. L’actrice tiendra pour la première fois un journal sur le tournage, consignant ses impressions de comédienne, seule dans une petite ville à l’autre bout du monde. Et de le conclure : « Je suis vraiment admirative. C'est un choix délibéré et très sophistiqué qu'a fait Hong Sang-soo pour tourner ses films. Ce qu'il a envie de dire et comment il a envie de le dire s'exprime certainement mieux comme ça que s'il tournait d'une manière plus classique et dans une autre économie. Il m'a dit: “Mais tu comprends, sinon il faut attendre l'argent, c'est trop long, ça m'embête.” C'est incroyable. […] Hong se nourrissait à mon insu des gestes qu'il observait, de phrases que je disais. Il a repris plusieurs fois des petites choses dans son écriture… » (Cahiers du cinéma n°682, octobre 2012)