Jackie

Invitée d'honneur 2025 : Natalie Portman

22 novembre 1963 : John F. Kennedy (Caspar Phillipson), 35^e président des États-Unis, vient d’être assassiné à Dallas. Confrontée à la violence de son deuil, sa veuve, Jacqueline Bouvier Kennedy (Natalie Portman), First Lady admirée pour son élégance et sa culture, tente d’en surmonter le traumatisme, décidée à mettre en lumière l’héritage politique du président et à célébrer l’homme qu’il fut.

Lorsque Darren Aronofsky propose à Pablo Larraín le script de Jackie, rédigé quelques années auparavant par Noah Oppenheim, la mise en scène du projet a déjà été envisagée par l’auteur de Black Swan, mais aussi par Steven Spielberg. C’est le regard d’un cinéaste non-américain sur une figure emblématique de l’Histoire qui intéresse Aronofsky, devenu producteur du film. Alors auteur, entre autres de Tony Manero (2008) et No (2012), le Chilien Pablo Larraín réalise avec Jackie son premier film américain, mais également son premier portrait de femme. Ainsi le cinéaste s’affranchit des codes rigides du biopic, resserrant son propos sur les quelques jours qui suivirent l’assassinat de JFK, l’instant clé, le basculement de la vie de Jackie, là où l’écriture de l’Histoire s’accélère.

S’inspirant de la documentation et des nombreuses archives (en particulier, le White House Tour enregistré pour CBS en 1962, ici reconstitué), Larraín et son chef-opérateur Stéphane Fontaine reproduisent la chromie et le grain des images passées. À partir d’une des images majeures du siècle – une femme en tailleur rampant sur le capot d’une Lincoln noire –, le cinéaste déroule « l’après », organique, fait de sang et de larmes séchées et de terre sur les escarpins.

Jackie est une réflexion profonde sur l’image et les liens entre pouvoir et spectacle. Protégeant immédiatement l’héritage Kennedy, cette « femme en danger », selon le cinéaste, devient l’architecte d’un mythe, élaborant elle-même sa propre légende. Natalie Portman, de tous les plans, est une Jackie Kennedy poignante mais définitivement stoïque et opaque.

« [Jackie] est peut-être l'une des célébrités les moins bien connues du XX^e siècle. Non seulement parce qu'elle a beaucoup protégé son intimité, mais aussi parce qu'il y a un tel poids de mystère dans son regard ! […] Ses yeux dans certains portraits publiés par Life, par exemple : ce sont des portes cosmiques qui ouvrent sur un endroit inconnu, impossible à comprendre ! Natalie Portman était la bonne actrice pour le rôle, pas seulement parce qu'elle pouvait incarner son élégance, sa sophistication et son éducation, et jouer le personnage magnifiquement. Mais aussi parce qu'elle pouvait avoir le même mystère dans le regard. C'est pourquoi il y a tant de gros plans dans le film. J'avais besoin de venir très près pour me trouver dans un endroit indéterminé. » (Pablo Larraín, Cahiers du cinéma n°730, février 2017)