L’Homme au pousse-pousse

Toshiro Mifune : de Akira Kurosawa à John Boorman

Homme au tempérament vif et au cœur tendre, Matsugoro (Toshiro Mifune) est un pauvre conducteur de pousse-pousse. Un jour, il porte secours à un petit garçon accidenté et se lie d’amitié avec ses parents. Lorsque le père meurt brutalement, Matsugoro promet à sa veuve Yoshiko (Hideko Takamine) de veiller sur son fils. Il tombe secrètement amoureux d’elle, mais leur différence de classe l’empêche de révéler ses sentiments.

Lauréat du Lion d’or à Venise en 1958, L’Homme au pousse-pousse reprend fidèlement le scénario d’un film déjà réalisé par Hiroshi Inagaki en 1943. Cette première version en noir & blanc avait à l’époque fait l’objet de coupes, la censure ne supportant pas l’évocation d’une idylle, même non déclarée, entre un sous-prolétaire et l’épouse d’un militaire. De nouvelles scènes font ainsi leur apparition dans ce remake en couleurs, permettant au cinéaste d’approfondir son tableau d’un amour impossible, vécu dans la solitude.

Empruntant d’abord un ton plutôt léger, Inagaki suit le conducteur de pousse-pousse au fil d’un quotidien rythmé par ses rencontres en ville et des anecdotes plaisantes. En croisant la route d’un enfant qu’il ramène à sa famille, Matsugoro prend conscience de son propre besoin d’affection, qu’il préfère noyer dans l’alcool, par honte de sa condition sociale. Le récit bascule alors dans une veine mélodramatique, captant l’évolution du héros au fur et à mesure de son vieillissement.

Dans un style délicat et un Scope affirmé, entre réalisme et théâtralité, Inagaki brosse le portrait doux-amer d’un aimable paria, interprété par un Toshiro Mifune qui passe d’une émotion à l’autre, de la joie à la colère, du rire au chagrin inconsolable. Face à lui, Hideko Takamine, l’actrice fétiche de Mikio Naruse, représente la douceur à jamais inaccessible. Leur duo désaccordé illumine un conte qui alterne tendresse et mélancolie.

« Nous reconnaissons volontiers que la pudeur avec laquelle sont dépeintes les relations de l’homme et de l’enfant, la truculence de certaines scènes, la drôlerie inattendue de certaines autres (le sketch du client abandonné et qui trépigne devant son pousse-pousse est délicieux) sont à porter au crédit du réalisateur Hiroshi Inagaki. » (Jean de Baroncelli, Le Monde, 28 décembre 1958)