La Conspiration du Caire

Les invités du festival : La trilogie du Caire de Tarik Saleh

Adam (Tawfeek Barhom), fils d'un pêcheur, intègre l’université al-Azhar au Caire, une institution sunnite. Le Grand Imam meurt subitement le jour de la rentrée, ouvrant une lutte de succession entre différents clans. Le gouvernement égyptien souhaite éviter qu’un proche des Frères musulmans décroche ce poste et veut favoriser un candidat à sa solde. Le colonel Ibrahim (Fares Fares) se voit confier la mission d’orienter l’élection. Il convainc Adam d’être son informateur.

Après Le Caire confidentiel, Tarik Saleh est déclaré persona non grata sur le territoire égyptien, où il n’a plus le droit de poser le pied. Le cinéaste poursuit durant un temps sa carrière aux États-Unis où il réalise des épisodes pour les séries Westworld et Ray Donovan, ainsi que le thriller The Contractor (2022), dont il n’est pas le scénariste. En parallèle, il pose les bases de La Conspiration du Caire, dont l’idée lui vient en relisant Le Nom de la rose d’Umberto Eco, qui plonge dans les conflits religieux déchirant la chrétienté au Moyen Âge. Tarik Saleh se demande comment transposer ce type d’intrigue à l’époque contemporaine, dans une société musulmane. Il choisit de s’intéresser aux relations tendues entre le pouvoir politique et spirituel et bâtit un scénario qui navigue entre ces deux sphères, dans une Égypte dirigée d’une main de fer par le maréchal Al-Sissi.

Pour situer l’action de son film, Tarik Saleh pense rapidement à l’université al-Azhar, l’un des plus anciens lieux d’enseignement islamique, fondé au X^e siècle, et où son grand-père, qui venait d’un petit village, a étudié. Son parcours inspire au cinéaste le personnage d’Adam, un jeune homme innocent et pieux qui fait la découverte d’un nouveau monde et se retrouve embarqué malgré lui au cœur d’une manipulation. Le tournage du film se déroule en Turquie, dans la mosquée Süleymanye d’Istanbul. Tarik Saleh s’entoure des mêmes collaborateurs que pour Le Caire confidentiel et dirige à nouveau son comédien fétiche, Fares Fares, qui se prête à une étonnante transformation physique pour incarner le trouble colonel Ibrahim. Ample et sinueux, La Conspiration du Caire est couronné d’un prix du scénario au Festival de Cannes.   

« Jouant de l’aspect monumental de ses décors, théâtre de pierres et de marbres qui nous ramène au lointain des siècles, Tarik Saleh y trouve un piédestal pour une intrigue de complot dont les ressorts nous sont plus que familiers : récit d’infiltration dans un milieu clos qu’on ne pénétrera jamais (l’épicentre du pouvoir sunnite), jeu de masques propice à questionner la loyauté de l’agent double, système de crapuleries dissimulé sous la façade d’une enceinte respectable, où un être pur perdra ses illusions. » (Sandra Onana, Libération, 26 octobre 2022)