La negra Angustias

Histoire permanente des femmes cinéastes : Matilde Landeta

À l’aube du XX^e siècle, le vieux bandit Antón Farrera (Eduardo Arozamena) éduque sa fille Angustias (María Elena Marqués) en lui parlant des souffrances vécues par son peuple. Une nuit, suivie par un homme qui tente de la violer, Angustias se défend avec un couteau et le tue. Elle fuit son village et s’enrôle dans une troupe zapatiste, marchant sur les traces de son père.

Bien que Lola Casanova n’ait connu qu’un faible écho et une distribution limitée, Matilde Landeta enchaîne tout de suite avec un second film. Elle s’appuie de nouveau sur un roman de Francisco Rojas González, qui lui permet de retrouver ses thèmes de prédilection. Dans La negra Angustias, l’écrivain raconte un pan de la révolution mexicaine en se focalisant sur une héroïne afro-hispanique à la peau noire. Un choix novateur puisque les femmes ne tenaient jusqu’alors qu’une place secondaire dans ce type de littérature. Sensible à cette démarche, Landeta choisit de porter l’ouvrage à l’écran en insistant sur sa dimension politique.  

Au début du film, Angustias fait l’expérience de la violence, de l’inégalité et du machisme. Elle doit sans cesse repousser les avances des hommes, qui la traitent comme un objet de convoitise. L’agression qu’elle subit représente un tournant qui la conduit à prendre conscience de la nécessité de lutter contre les oppresseurs. Landeta nous fait partager ses émotions au fur et à mesure qu’elle se transforme et se libère des règles pour s’imposer au sein d’une société patriarcale.

Pour jouer le rôle principal, Landeta a engagé Maria Elena Marqués, une actrice blanche, maquillée pour l’occasion – une décision qui lui a valu de nombreuses critiques. Replacé dans son époque, La negra Angustias reste toutefois d’une rare audace dans sa représentation d’une femme libre qui se crée son propre destin. 

« Malgré ses inconséquences (dont le miscasting de l’actrice principale n’est pas le moindre), La negra Angustias conserve la saveur de sa situation de départ et de certaines séquences plus réussies. Il faut noter la virulente réaction des autres femmes du village d’Angustias lorsqu’elle refuse une proposition de mariage alléchante : on la traite de marimacho (virago) et on commence à la lapider, une menace conjurée par quelques passes de magie traditionnelle. » (Paulo Antonio Paranagua, Positif n°349, mars 1990)