Las Vegas Parano

Invité d’honneur : Benicio Del Toro

En 1971, le journaliste Raoul Duke (Johnny Depp) part couvrir une course de motos du côté de Las Vegas en compagnie de son prétendu avocat, le « docteur » Gonzo (Benicio Del Toro). Tous deux traversent le désert à bord d’une décapotable écarlate, au coffre rempli de produits stupéfiants, qu’ils consomment sans aucune modération. Entre hallucinations et crises de paranoïa, leur virée tourne à l’odyssée psychédélique.

Né en 1967 à Porto Rico, Benicio Del Toro prend vite le chemin du cinéma après ses années de formation à l’acting. Il tourne notamment, à 22 ans, dans un James Bond, Permis de tuer, et dans The Indian Runner de Sean Penn. Il se fait surtout remarquer pour sa prestation dans Usual Suspects de Bryan Singer, qui rencontre en 1995 un grand succès. Trois ans plus tard, Terry Gilliam le choisit pour former aux côtés de Johnny Depp le tandem déjanté de Las Vegas Parano. À l’origine de ce projet, un pari ambitieux : porter à l’écran l’ouvrage réputé inadaptable de Hunter S. Thompson, figure de la contre-culture américaine des années 70 et représentant d’un journalisme gonzo, où l’investigation s’efface derrière un récit personnel, sous l’influence de substances prohibées.

Fidèle au livre, dont il reprend des passages en voix off, Gilliam se plaît à figurer le monde détraqué dans lequel évoluent ses deux protagonistes, à la conscience altérée par les drogues. Mescaline, acide, cocaïne, éther, tout y passe, et le cinéaste fait de chaque scène un nouveau trip. Une nuée de chauves-souris attaque une voiture en plein jour, les clients d’un hôtel se transforment en reptiles… Filtres colorés, distorsions, visages saisis au grand angle, Gilliam multiplie les effets visuels pour nous immerger dans la tête de ses antihéros. Crâne dégarni coiffé d’un bob, lunettes aux verres teintés, porte-cigarette aux lèvres, Johnny Depp livre une interprétation saisissante, reposant sur une gestuelle saccadée et une belle panoplie de mimiques. Benicio Del Toro a de son côté grossi de vingt kilos, s’est laissé pousser cheveux et moustache pour composer un personnage mémorable, sorte de Sancho Panza débraillé et bedonnant.   

« Las Vegas Parano est, stricto sensu, un film expérimental. Signant avec cette septième réalisation sa tentative la plus audacieuse, sinon la plus aboutie, l’auteur de Brazil renouvelle l’expérience d’une mise en scène totalement dépourvue de récit, entièrement vouée à un univers de perceptions. » (Jean-Michel Frodon, Le Monde, 20 août 1998)