Le Dernier des Mohicans

Michael Mann : Prix Lumière 2025

1757. Français et Anglais se battent pour la possession des terres indiennes du futur État de New York. Le fort William Henry, tenu par le colonel Munro (Maurice Roëves), est assiégé par le général Montcalm (Patrice Chéreau). Le jeune officier anglais Heyward (Steven Waddington)est chargé d’y escorter les deux filles de Munro, Alice (Jodhi May) et Cora (Madeleine Stowe). Mais bientôt le groupe tombe dans une embuscade, trahi par leur guide indien à la solde des Français. Les jeunes femmes sont sauvées par le Mohican Hawkeye (Daniel Day-Lewis), accompagné de Chingachgook (Russell Means), son père adoptif, et d’Uncas (Eric Schweig), son frère.

Michael Mann est âgé de seulement 4 ou 5 ans lorsqu’il assiste à la projection du Dernier des Mohicans, réalisé en 1936 par George B. Seitz sur un scénario de Phillip Dunne. Il s’agit d’un de ses tout premiers souvenirs de cinéma. Un souvenir si marquant qu’à l’aube de la cinquantaine (et tandis qu’Hollywood est en pleine « ère indienne » suite au succès de Danse avec les loups de Kevin Costner), il se lance dans son adaptation du roman d’aventures de James Fenimore Cooper, classique écrit en 1826, issu de la série des Histoires de Bas-de-Cuir. L’œuvre a déjà été adaptée de nombreuses fois ; Michael Mann décide alors de couper dans le récit initial, de s’inspirer également de la version de Dunne, mais surtout, comme pour tous ses films, de se documenter longuement et de lire « fiévreusement » – selon ses propres mots – témoignages et études. « Je n’ai pas voulu prendre une histoire datant de 1757 et la transposer en 1991, pour en faire une métaphore de l’époque actuelle. Ce que j’ai voulu faire, c’est tout le contraire : utiliser notre compréhension de ces cultures – que nous comprenons mieux aujourd’hui, je pense, que Cooper en 1826 – pour nous transporter dans le passé. Utiliser une perspective contemporaine pour nous faire revivre plus intensément la réalité complexe de cet univers. » (Michael Mann, in Michael Mann, F.X. Feeney, Taschen, 2006)

Dans des paysages sublimes et des forêts humides (magnifiquement photographiés par Dante Spinotti dans les décors naturels de Caroline du Nord), deux mondes, et plus de peuples encore, s’affrontent. Certains tuent au nom de Dieu, d’autres au nom de leur Roi. Tous, Anglais et Français, mènent une guerre coloniale. Les peuples natifs se battent entre eux, certains à la solde des nouveaux occupants. Mann filme un conflit à une période charnière de l’Histoire, la fin de l’Amérique et la naissance des États-Unis. Ce prélude à un Nouveau monde interroge les notions de lignée et de descendance (Hawkeye, jeune homme blanc adopté par les Mohicans), de la trace que l’on laisse, de la fin d’un monde sauvage par l’humanisation des terres. Ce sont aussi les questions de la lutte sans merci et de la loi du talion qui irriguent le film.

Cette fresque lyrique, bercée par l’histoire d’amour entre les personnages de Daniel Day-Lewis (qui plongea à corps perdu dans son rôle) et Madeleine Stowe (parfaite héroïne romanesque) qui transcendent les conventions, est un immense succès. Le cinéaste entame avec ce film un cycle qui raconte en creux une certaine histoire des États-Unis (Heat, Ali…)

« Évoluant entre classicisme et modernité, Le Dernier des Mohicans permet à Michael Mann de démontrer qu’il n’est pas forcément le cinéaste de la déliquescence urbaine, mais au contraire qu’il sait sonder l’âme de ses protagonistes pour les montrer s’accomplir dans l’action. » (Stéphane Moïssakis, Rockyrama Saison 2 - Volume 3, janvier 2015)