Tetsuya Hondo (Tetsuya Watari) est un yakuza dont le clan vient d’arrêter ses activités. Il est approché par un clan rival mais décline leur offre. Son ancien chef Kurata (Ryuji Kita) lui conseille de quitter Tokyo et de devenir vagabond afin d’échapper aux représailles. Tetsuya parcourt le Japon, des tueurs à ses trousses.
Après Carmen de Kawachi, Seijun Suzuki revient au film de yakuzas, dont il a déjà su dynamiter les codes avec des œuvres comme Détective bureau 2-3 ou La Jeunesse de la bête, toutes deux tournées en 1963. Avec Le Vagabond de Tokyo, la Nikkatsu souhaite mettre en valeur la vedette du moment, le chanteur Tetsuya Watari, en lui confiant le rôle d’un yakuza qui cherche à quitter le milieu et se retrouve traqué par ses ennemis comme par ses anciens complices. Dépassant le cahier des charges, Seijun Suzuki fait éclater cette trame rebattue pour signer un opéra pétaradant, donnant libre cours à son imagination visuelle.
Le postulat de base n’est ici qu’un prétexte à un déchaînement formel de tous les instants. Le cinéaste pousse très loin ses recherches picturales, joue des contrastes, se plaît à filmer son héros, vêtu d’un impeccable costume bleu, courir dans la neige. Il utilise les couleurs primaires de façon symbolique, sans aucun souci de réalisme, et l’éclairage d’une scène peut changer soudainement au gré de l’action. Le Cinémascope permet à Seijun Suzuki de soigner la composition de ses plans, où ses acteurs se déplacent comme sur une scène, à la manière du théâtre kabuki. Il tire profit de ses décors stylisés, qui confinent à l’abstraction : la dernière fusillade, qui se déroule dans un espace nu, où trônent seulement deux colonnes et un piano, constitue un climax saisissant. Rythmé par une complainte langoureuse que Tetsuya Watari entonne à diverses reprises, Le Vagabond de Tokyo est un film inclassable, dont l’ambition expérimentale n’est pas au goût du studio, qui reproche à Seijun Suzuki ses écarts avec le scénario et son avant-gardisme.
« Ici, on troque femmes et immeubles entre mafieux, on conspire dans le backstage des cabarets, on se bastonne à qui mieux mieux. Mais l’essentiel du film est ailleurs, dans l’étourdissante fièvre formaliste à laquelle Suzuki s’abandonne crescendo, jusqu’à la laisser envahir la totalité de l’écran dans la dernière demi-heure du film. » (Olivier Séguret, Libération, 16 juillet 1994)
Le Vagabond de Tokyo (Tokyo nagaremono)
Japon, 1966, 1h23, couleurs, format 2.35
Réalisation Seijun Suzuki
Scénario Kohan Kawauchi, d’après son roman
Photo Shigeyoshi Mine
Musique Hajime Kaburagi
Montage Shinya Inoue
Décors Takeo Kimura
Production Tetsuro Nakagawa, Nikkatsu
Interprètes Tetsuya Watari (Tetsuya "Phoenix Tetsu" Hondo), Chieko Matsubara (Chiharu), Hideaki Nitani (Kenji Aizawa), Tamio Kawaji (Tatsuzo), Ryuji Kita (Kurata), Eiji Go (Tanaka), Isao Tamagawa (Umetani), Eimei Esumi (Otsuka), Tomoko Hamakawa (Mutsuko)
Sortie au Japon 10 avril 1966
Restauration 2023 par la Nikkatsu Corporation
Ressortie au premier semestre 2026 par Carlotta Films.
Remerciements au distributeur Carlotta Films
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