Le Voleur de pêches

Lumière Classics & Nouvelles restaurations

Durant la Première Guerre mondiale, dans la ville de Veliko Tarnovo en Bulgarie, un vieux colonel (Mikhail Mikhaylov) dirige un camp de prisonniers. Il cultive des pêches qu’il garde dans un enclos cerné de barbelés. Ivo (Rade Markovic), un officier serbe, fait partie des détenus. Affamé, il prend le risque de voler les fruits du colonel et se fait surprendre par sa jeune épouse Lisa (Nevena Kokanova). Petit à petit, un amour interdit voit le jour.

Vulo Radev est né en 1923 à Lesidren, dans le nord de la Bulgarie. Il étudie la prise de vues à l’Institut supérieur du cinéma de Moscou, dont il sort diplômé en 1953. Il travaille d’abord comme chef opérateur sur des films documentaires, puis sur des fictions comme Tabac (1962), mis en scène par Nikola Korabov et présenté en sélection officielle au Festival de Cannes. Vulo Radev passe à la réalisation avec Le Voleur de pêches, qui ouvre la voie au réalisme poétique dans le cinéma bulgare.

Le film est adapté d’une nouvelle d’Emilian Stanev, parue en 1948, qui narre l’idylle tragique entre deux amants pris dans la tourmente de la Première Guerre mondiale. Vulo Radev transpose fidèlement cette histoire à l’écran et retrace de façon sensible la naissance d’un amour entre deux êtres que le conflit sépare, et qui doivent vivre leur relation dans le plus grand secret. Le cinéaste filme avec délicatesse leurs rencontres clandestines. Il joue sur le rapprochement des visages au sein du cadre, suggère la montée du désir par le frémissement du vent secouant les branchages. Il sait aussi faire ressentir l’atmosphère endormie d’une ville de garnison, où le calme des vergers et la beauté des paysages contrastent avec la poussière sur les routes et la détresse éprouvée par les prisonniers manquant de nourriture. Avec sa photographie soignée, son interprétation vibrante et son utilisation judicieuse d’un décor naturel, Le Voleur de pêches marque un tournant dans le cinéma bulgare, qui commence tout juste à être reconnu sur la scène internationale.    

« Sous une apparence très classique, pour le style narratif en particulier, très léchée, Le Voleur de pêches masquait en définitive une révolution assez totale. On affinait le regard jeté sur l’Histoire, sur les êtres que l’Histoire fabrique et qui fabriquent l’Histoire. Certains éléments (le vent, les fruits, une belle maison en bois, le décor d’une ville provinciale surplombant une vallée) allaient dans le meilleur sens de la tradition mais le regard était bigrement neuf. » (Albert Cervoni, Les Écrans de Sofia, voyage français dans le cinéma bulgare, Filméditions, 1976)