Les Aigles de la République

Les invités du festival :
La trilogie du Caire de Tarik Saleh / Les avant-premières en présence des équipes

George Fahmy (Fares Fares), l’acteur le plus adulé d’Égypte, accepte sous la contrainte de jouer dans un film commandé par les plus hautes autorités du pays. Il se retrouve plongé dans le cercle étroit du pouvoir. Comme un papillon de nuit attiré par la lumière, il entame une liaison avec Suzanne (Zineb Triki), l’épouse du général qui supervise le film.

Suite à la prise de pouvoir du maréchal Al-Sissi en Égypte, l’armée étend son emprise sur les médias. Elle prend le contrôle de plusieurs chaînes de télévision et impose sa mainmise sur l’industrie du cinéma. Depuis la Suède, Tarik Saleh continue de s’informer sur l’évolution du régime. Il visionne une série financée par l’État qui retrace l’ascension du militaire devenu président, et se pose des questions qui vont l’inspirer pour l’écriture de son film. S’il habitait en Égypte, que ferait-il si on lui demandait de réaliser une œuvre de propagande ? Et serait-il de toute façon en mesure de refuser ? Partant de cette réflexion, Les Aigles de la République imagine les mésaventures d’un acteur célèbre, surnommé « le Pharaon de l’écran », qui se retrouve obligé d’incarner le maréchal Al-Sissi dans une production officielle et hagiographique, alors qu’il n’a ni la carrure ni le physique du dirigeant. 

Offrant une nouvelle fois le premier rôle à son fidèle complice Fares Fares, le cinéaste ne fait pas pour autant de son personnage un héros. Vedette déconnectée du réel, George Fahmy nous est présenté comme un père négligent et un séducteur au caractère vaniteux. Tarik Saleh pense son film en deux mouvements, la comédie satirique virant au thriller politique. Dans une mise en abyme savoureuse, il se plaît à mettre en scène le tournage d’un biopic édifiant, où tout est surveillé par une éminence grise, le docteur Mansour. Sous l’humour corrosif perce une dénonciation acérée de l’instrumentalisation de l’art par un gouvernement autocratique.       

« Pierre Aïm signe une photographie oppressante, tandis qu’Alexandre Desplat distille une tension discrète mais persistante. Le montage de Theis Schmidt, nerveux, immerge dans la mécanique infernale d’un État où fiction et contrôle s’épousent. Brillant, cynique, mais profondément humain, Les Aigles de la République interroge le rôle du cinéma face à la dictature. Une œuvre nécessaire, à la fois mise en garde et chant du cygne d’un cinéma libre. » (Frédérique Lambert, Jeune Cinéma n°437-438, été 2025)