Les Proscrits

Moments de l’histoire du cinéma : Le cinéma suédois : l'exemple Victor Sjöström /
Sublimes moments du muet

Islande, au milieu du XIX^e siècle. Un étranger (Victor Sjöström) est engagé dans la ferme d’Halla, une riche veuve (Edith Erastoff). On ne sait rien de son passé. Rapidement, Halla s’éprend de lui. Jaloux, le bailli du village enquête sur cet homme et découvre que c’est un forçat évadé. Bientôt, le couple doit fuir dans les montagnes…

Le critique Louis Delluc disait en 1921 qu’il s’agissait sans doute du « plus beau film du monde ». Plus de cent ans plus tard, Les Proscrits n’a rien perdu de son aura.

Tourné en décors naturels, en Laponie suédoise, le film est une adaptation de la pièce du dramaturge islandais Jóhann Sigurjónsson, inspirée du folklore et des légendes pastorales. D’une grande beauté lyrique, Les Proscrits raconte la fable d’un homme en lutte contre les éléments, symbole de ses conflits intérieurs. Mais aussi une quête d’un amour absolu contrariée par une société rigide. Si la nature fut un temps accueillante, le cadre idéal d’un amour libre, elle devient rapidement hostile, tel le bras armé d’une société qui ne cherche que la perte de ce couple maudit, condamné à transgresser les lois. Condamnés à vivre toujours plus loin dans la montagne, ils luttent contre le froid et la faim.

Les Proscrits finit de révéler le cinéaste suédois aux yeux du monde entier. Virtuose de la réalisation, Victor Sjöström est également un comédien de premier ordre, endossant le rôle Berg-Eyvind, aux côtés de l’actrice Edith Erastoff, qui deviendra bientôt son épouse – et évidemment de la nature qui tient ici le troisième rôle.

« Le film ouvre ses cadres aux solitudes escarpées : geysers, falaises, grottes, chutes d’eau, source chaude entourent l’intimité du couple, qui s’invente là, à l’air libre, un nouvel Eden. Le cinéma de Sjöström déniche sa formule ascensionnelle : gravir avec ses personnages les degrés de la fable, vers ces cimes dégagées où chaque geste atteint une pureté élémentaire. » (Mathieu Macheret, Le Monde, 5 septembre 2023)