Les Sensuels

Martin Ritt, un cinéaste engagé à Hollywood

David Martin (Jeffrey Hunter) et son épouse Jean (Patricia Owens) achètent un pavillon à crédit dans un lotissement chic sur la côte Pacifique. Dès leur arrivée, ils sont invités à une fête par leurs voisins Troy (Cameron Mitchell) et Leola Boone (Joanne Woodward). Ils y font la connaissance de deux autres couples habitant à côté : les Kreitzer (Pat Hingle et Barbara Rush) et les Flagg (Tony Randall et Sheree North). Sous le vernis des apparences, tous ressentent une insatisfaction profonde…

Pour son deuxième film, Martin Ritt adapte un roman de John McPartland, No Down Payment, satire acerbe de l’American way of life. Le titre racoleur choisi pour la distribution en France, Les Sensuels, ne colle pas du tout à l’austérité de cette étude de mœurs, où Martin Ritt dresse un tableau cruel des peurs agitant la classe moyenne. Ses protagonistes, qui s’accrochent à des rêves illusoires, découvrent que le confort se paye : tous sont hantés par la crainte de perdre leur situation et courent après l’argent pour rembourser leurs dettes. À l’ombre des maisons richement meublées se cache un envers moins reluisant : la promiscuité entre voisins entraîne jalousie et rivalité, avec son lot de mesquineries et de convoitises.

Alcoolisme, séquelles de la guerre, racisme larvé… Martin Ritt met à nu les failles d’un pays obsédé par la réussite matérielle, où le bonheur se dérobe sans cesse tandis que les frustrations s’accumulent au quotidien. Le cinéaste mène avec habileté un récit choral où se croisent huit personnages. Sans forcer le trait de sa critique, il décrit cet enfer climatisé avec justesse, faisant preuve d’une belle profondeur dans l’analyse sociologique.           

« En dépit d’une fin arbitraire et un peu trop optimiste, la qualité maîtresse du film est sa volonté d’aborder en toute honnêteté un problème nouveau : les pressions et les angoisses qui assaillent les hommes après avoir atteint la prospérité. Pour les Européens, il présente le mérite supplémentaire de donner un aperçu fidèle d’une certaine Amérique, non la moins authentique. Peut-être nous montre-t-il aussi une page de l’Europe de demain. » (Richard Grenier, Cahiers du cinéma n°81, mars 1958)