Millennium Mambo

Invitée d'honneur 2025 : Shu Qi

Vicky (Shu Qi) gère les relations publiques d’un night-club de Taipei. Elle partage sa vie et son appartement avec Hao-hao (Tuan Chun-hao), d’une jalousie obsessionnelle : il vérifie ses comptes, ses factures, les messages sur son portable, et même l’odeur de ses vêtements. Vicky s’accroche à l’idée qu’elle le quittera lorsqu’elle aura vidé son compte en banque. En attendant, elle se réfugie parfois chez Jack (Jack Kao). Ils ne savent pas comment va évoluer leur relation : amitié durable ou liaison amoureuse ?

Millennium Mambo est aussi insaisissable que fascinant. Centré sur un couple qui se délite – elle mérite mieux et lui ne la mérite pas –, le film perturbe dès son ouverture : l’histoire est racontée au futur antérieur, à la troisième personne, par la voix off de Vicky, qu’on voit pourtant à l’écran. Elle nous parle depuis 2011, introduisant un récit terminé depuis dix ans.

Ce portrait d’une jeune femme de son époque frappe par sa mélancolie. Dans le club, la caméra du cinéaste déambule, se faufile entre les corps, saisit l’énergie du lieu, mais aussi la vacuité, le temps qui file. Le film est hypnotique et l’ambiance cotonneuse. Les volutes de fumée, la nuit, les néons, tout concourt à une expérience sensorielle envoûtante. Le travail sur le son est impressionnant : des bruits remplacent les dialogues, réduits au minimum. Un claquement de briquet sonne comme une ritournelle. Hou Hsiao-hsien joue des lumières et de leurs reflets dans les matières plastiques. Pour achever d’ensorceler le spectateur, de longs plans-séquences, quasi fixes, donnent aux comédiens une grande liberté pour faire exister leurs personnages. Présenté au Festival de Cannes en 2001, Millennium Mambo offre une notoriété internationale à Shu Qi, déjà célèbre à Taïwan et Hong Kong après un début de carrière marqué par de nombreux films d’action. L’actrice trouve ici, sous la direction de Hou Hsiao-hsien, son premier grand rôle dans le champ du cinéma d’auteur.

« Millennium Mambo est une merveille, un trip expérimental et un objet de pure fascination, une bluette de roman-photo et un concept structuraliste, un film à la jonction idéale de l’intellect et de l’émotion, qui comble magnifiquement les oreilles et les yeux, le cerveau et le cœur, les sens et la pensée, un diamant de cinéma susceptible de réconcilier sous son halo bleuté rats de cinémathèque et souris de galeries d’arts, esthètes pointus et galopins de dance-floor. » (Serge Kaganski, Les Inrockuptibles, 30 octobre 2001)