Ne dis rien

Invitée d’honneur : Icíar Bollaín

En pleine nuit, Pilar (Laia Marull) s'enfuit de chez elle avec son fils pour se protéger de son mari Antonio (Luis Tosar), qui la bat régulièrement. Elle se réfugie chez sa sœur Ana (Candela Peña). Antonio veut la convaincre de revenir à la maison. Il s’engage à suivre une thérapie de groupe, promet de ne plus être violent. Tiraillée par des sentiments contradictoires, Pilar trouve un emploi dans un musée et se dégage petit à petit d’Antonio.

Née à Madrid en 1967, Icíar Bollaín se fait d’abord connaître en tant que comédienne. Adolescente, elle tient en 1983 l’un des rôles principaux dans Le Sud de Victor Erice. Elle tourne ensuite sous la direction de nombreux réalisateurs espagnols, dont son oncle Juan Sebastian Bollaín. En 1995, elle interprète une milicienne républicaine durant la guerre civile dans Land and Freedom de Ken Loach, à qui elle consacre un ouvrage.

En parallèle de sa carrière d’actrice, Icíar Bollaín fonde avec des associés la société de production La Iguana et se lance dans la mise en scène. Elle rencontre le succès public et critique dès son premier long métrage, Hola, ¿estás sola ?,qui porte un regard sensible sur la jeunesse de son pays. Son deuxième film, Flores de otro mundo, reçoit en 1999 le prix de la Semaine de la critique à Cannes, et confirme son goût pour un cinéma mêlant préoccupations humanistes et plaisir de la narration.

En 2000, elle réalise le court métrage Amores que matan, où elle aborde le sujet de la violence conjugale, en se concentrant sur le profil des agresseurs. Pour Ne dis rien, elle souhaite approfondir ce thème du côté des victimes. Avec sa coscénariste Alicia Luna, elle se documente, recueille des témoignages et retrace le parcours d’une femme qui cherche à se libérer de l’emprise de son compagnon. Sans didactisme, Ne dis rien décrit avec subtilité les ressorts d’une relation complexe, dont l’héroïne se défait par étapes.

« Tout le talent d’Icíar Bollaín a consisté à se placer au-delà du simple fait divers et à décortiquer patiemment non pas les responsabilités, mais les processus individuels et culturels qui conduisent au drame. Les personnages ne sont pas monolithiques, ils se transforment à nos yeux comme aux leurs ; de bourreau d’autrui, Antonio devient la victime de lui-même, et de victime tétanisée, Pilar par elle-même s’individualise et quitte ce foyer infernal. » (Erwann Lameignère, Le Jeune cinéma espagnol, des années 90 à nos jours, Séguier, 2003)