Dans un royaume d’Europe centrale, au début du XXe siècle. Le prince Wolfram (Walter Byron), don Juan romantique, est promis à la reine Regina V (Seena Owen), une femme cruelle. Un jour, chevauchant en pleine campagne avec son régiment, il croise la jeune Patricia Kelly (Gloria Swanson), pensionnaire d’un couvent tout proche. Un échange de regards, un trouble… Il décide d’enlever Patricia.
Il fait partie de ces grands films inachevés de l’Histoire du cinéma devenus légendaires. Queen Kelly, c’est la rencontre au sommet de deux talents, le cinéaste Erich von Stroheim et la star Gloria Swanson, qui revêt également ici les habits de productrice. C’est elle qui fait appel en 1928 à Stroheim. Sa réputation n’est plus à faire : il est un génie, audacieux, perfectionniste, chantre du réalisme et auteur de Folies de femmes (1922) et des Rapaces (1924). Mais il est aussi une figure controversée, excessif, explosant les budgets et les délais.
Histoire d’une vieille Europe décadente, entre luxure et cruauté, Queen Kelly est dans la droite ligne de l’œuvre de Stroheim, qui peut mettre à profit ses talents de portraitiste acerbe de l’aristocratie et des cours royales d’un autre âge. Ici, une reine despotique, un prince libertin, une jeune innocente bientôt enhardie, devenant propriétaire d’un bordel en Afrique. Sur le plateau, Stroheim exige jusqu’à trente prises pour une scène, réécrit le scénario en permanence, ajoutant des détails de plus en plus sordides et scandaleux aux yeux de l’équipe. C’en est trop, la productrice met fin au tournage après l’enregistrement des premières scènes situées en Afrique. Mais seul un tiers du film est dans la boîte. Alors on essaye de sauver Queen Kelly : remaniement du scénario pour lui donner du sens, nouvelles images tournées par Gregg Toland, montage interminable… Lorsque le film est enfin terminé en 1932, Le Chanteur de jazz et le cinéma parlant ont envahi les salles. Ce film muet arrive trop tard, et Stroheim voit sa carrière de réalisateur s’arrêter.
En 1985, Dennis Doros (futur fondateur avec son épouse de Milestone Films), propose une première « reconstruction » de Queen Kelly. Quarante ans plus tard, grâce à des éléments récemment découverts et de la documentation issue de fonds d’archives dont ceux du George Eastman Museum, de la Bibliothèque du Congrès, ou encore de la John F. Kennedy Presidential Library and Museum, il offre une nouvelle version au plus proche de ce à quoi aurait pu ressembler le film. Une fabuleuse (re)naissance à l’odeur de soufre.
« Inachevé, privé, hormis une séquence, de toutes ses péripéties africaines, Queen Kelly se reçoit encore de nos jours comme les coups de fouet de la reine exacerbée. Ce n’est peut-être pas le plus grand des films de son auteur, mais c’est une des plus fascinantes fleurs vénéneuses de la serre hollywoodienne. » (Michel Pérez, Le Matin, 23 octobre 1985)
Queen Kelly
États-Unis, 1929, 1h45, noir et blanc, format 1.33
Réalisation Erich von Stroheim
Scénario Benjamin Glazer, d’après une histoire originale d’Erich von Stroheim
Photo Gordon Pollock, Paul Ivano
Musique Adolf Tandler
Montage Viola Lawrence
Décors Harold Miles
Costumes Max Rée, Ann Morgan
Production Gloria Swanson, Joseph P. Kennedy, Gloria Swanson Pictures
Interprètes Gloria Swanson (Patricia Kelly, dite Kitty), Walter Byron (le prince Wolfram), Seena Owen (la reine Regina V), Wilhelm von Brincken (l'adjudant-major du prince Wolfram), Madge Hunt (la mère supérieure)
Sortie limitée aux États-Unis 1929
Sortie en France 11 novembre 1932
Présentation à la Mostra de Venise (version 2025) 26 août 2025
Restauration par Milestone Films.
Le film est labellisé Lumière Classics, qui récompense les plus belles restaurations de l’année.
Remerciements à Milestone Film & Video et Kino Lorber
Film ayant reçu le label
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