Révélations

Michael Mann : Prix Lumière 2025

Lorsqu’il reçoit de façon anonyme des documents confidentiels de la part d’un salarié de l’industriel Philip Morris, le journaliste Lowell Bergman (Al Pacino), producteur de la célèbre émission 60 minutes présentée par Mike Wallace (Christopher Plummer), fait appel à Jeffrey Wigand (Russell Crowe). Cet ancien directeur du département Recherche & Développement du grand fabricant de cigarettes Brown & Williamson a été récemment licencié, mais est toujours tenu par une clause de confidentialité. Il hésite à l’aider et à témoigner.

Si avec Révélations, Michael Mann s’inscrit dans une tradition américaine du film-dossier, le cinéaste y fait preuve d’une réelle audace : il porte à l’écran une affaire politico-médiatique très récente (un procès est toujours en cours entre Wigand et son ancien employeur au moment du tournage), encore brûlante et de façon très transparente (les personnages empruntent jusqu’aux noms et apparences de leurs homologues du réel). 

Dans ce combat contre un capitalisme tout sauf éthique, où les ramifications d’influence impactent jusqu’à l’indépendance des médias, où les menaces sont sourdes mais réelles, David affronte Goliath. Il met en cause les dysfonctionnements des institutions et l’impunité des grandes puissances économiques qui, conscientes des dangers qu’elles font courir aux consommateurs, décident de détourner le regard et de poursuivre leur course aux profits.

Le film est dense, sa narration parfaitement maîtrisée : chaque élément de l’enquête, chaque témoignage, étayent la thèse développée, faisant progresser l’intrigue. Michael Mann est un remarquable directeur d’acteurs. Après Heat, il retrouve Al Pacino, dans un rôle plus rentré, endossant le costume noble et pugnace, parfois obsessionnel, du journaliste d’investigation. À ses côtés, Russell Crowe se révèle, jamais écrasé par la figure mythique de Pacino. Son personnage, quotidien, n’apparaît pas comme un héros. Empli de doutes, désorienté, inquiet, devenu le paria à détruire, il vacille, hésite. Il agit en partie pour des raisons très personnelles, lui qui a été mis sur la touche. Avec finesse, le cinéaste réussit à mettre le spectateur dans la peau de ses protagonistes, pour lui faire ressentir leurs doutes et leurs errements.

« Michael Mann signe avec Révélations un film engagé qui prend fait et cause pour la liberté de la presse et contre l'arrogance des toutes-puissantes multinationales. Dans la droite ligne des Hommes du président d'Alan J. Pakula, Révélations redonne au cinéma américain sa fonction de porte-parole du simple citoyen, souvent oublié des médias, en livrant sur la place publique une affaire "gênante" pour les intérêts économiques du big business. Œuvre militante certes, mais dont la réalisation n'en est pas moins d'une belle ampleur romanesque. Loin de toute tentation documentaire, Mann se permet même quelques séquences d'une étonnante beauté plastique, témoignant qu'on peut faire œuvre sociale sans pour autant négliger la forme. » (Positif n°469, mars 2000)