The Indian Runner

Invité d'honneur 2025 : Sean Penn

Vers 1968, deux frères, Joe (David Morse) et Frank Roberts (Viggo Mortensen), vivent à Plattsmouth, petite ville rurale du Nebraska. Ils étaient jadis très proches mais se sont longtemps perdus de vue. Joe a dû vendre la ferme paternelle et il est devenu policier. Frank, qui fut un enfant à problèmes, revient de la guerre du Viêt-nam. Tous deux doivent aujourd’hui trouver un nouvel équilibre dans leur vie.

Après s’être révélé en tant qu’acteur dans les années 80, Sean Penn se lance dans la mise en scène avec The Indian Runner, présenté en 1991 à la Quinzaine des réalisateurs. Le titre vient d’une légende indienne selon laquelle tout jeune homme devait passer une épreuve rituelle pour devenir adulte : il lui fallait poursuivre un daim en courant jusqu’à ce que l’animal s’écroule, puis absorber son dernier souffle. Sean Penn est habité par cette histoire lorsqu’il écrit le scénario de son film, qui s’inspire aussi directement d’une chanson de Bruce Springsteen, Highway Patrolman, d’où sont tirés les noms et les grands traits des personnages.

The Indian Runner est un western contemporain : les grandes plaines ont laissé place à une bourgade au milieu d’une forêt, le saloon a été remplacé par un bar réservé aux hommes, de vieux Indiens arpentent la ville, un chasseur sillonne les bois pendant que le shérif cherche la bagarre. De manière touchante et réaliste, le film décrit l’Amérique profonde, composée d’habitants qui s’ennuient et que le retour de Frank perturbe. Ce dernier, joué par Viggo Mortensen dans l’un de ses premiers grands rôles, symbolise la colère des jeunes Américains traumatisés par leur passage au Viêt-nam. Chronique rugueuse, The Indian Runner brille par sa distribution, qui mêle des acteurs de légende (Dennis Hopper en tenancier de bar, Charles Bronson en père qui ne sait plus à quoi se raccrocher) et des comédiennes alors en pleine ascension (Valeria Golino et Patricia Arquette interprètent les compagnes des deux frères). Avec ce galop d’essai réussi, Sean Penn séduit la presse et ouvre une nouvelle page dans sa carrière.

« De l’acteur réputé rebelle, on attendait un film violent, marginal, en accord avec l’image sans nuances diffusée de lui dans les médias. Surprise. Le premier film écrit et réalisé par Sean Penn est douloureux, lumineux, inondé de tendresse, de gravité et de blessures profondes. » (Danièle Parra, La Revue du cinéma n°473, juillet-août 1991)